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Contrats précaires sous surveillance : se préparer à la campagne 2025 de l’inspection du travail
Date de publication : 29.07.25

En 2025, l’inspection du travail lance une campagne nationale pour lutter contre le recours abusif aux contrats précaires : CDD, intérim, contrats d’usage… Cette mobilisation vise à freiner la précarisation de l’emploi en encourageant les entreprises à repenser leurs pratiques de recrutement. Pour les employeurs, c’est un véritable tournant. Au-delà du risque de sanction, cette démarche invite à renforcer leur conformité et à valoriser une politique RH plus responsable.
Alors, quels sont les points sensibles à surveiller ? comment anticiper un contrôle ?
La campagne lancée par l’inspection du travail s’inscrit dans une dynamique de lutte contre les abus liés aux contrats courts. En ciblant les secteurs où le recours aux CDD et à l’intérim est particulièrement élevé, les autorités souhaitent enrayer les effets négatifs : insécurité de l’emploi et augmentation des accidents du travail notamment.
L’objectif est clair : favoriser les embauches en CDI. Le contrat court ne doit plus être une solution de confort, mais rester une exception encadrée.
Au préalable, focus sur le cadre juridique du recours aux contrats à durée déterminée (CDD) ⬇️
Le recours à un CDD impose le respect de plusieurs règles essentielles. Parmi les points sensibles à surveiller :
– Les motifs de recours très encadrés par le Code du travail et notamment pour accroissement temporaire d’activité, remplacement d’un salarié absent ou encore emploi saisonnier ou spécifique reconnu par décret. Certains cas sont strictement interdits : pour remplacer un salarié en grève, pour des travaux dangereux (sauf dérogation), pour occuper un poste supprimé après un licenciement économique, ou encore pour pourvoir un poste permanent de l’entreprise.
– La remise obligatoire d’un contrat écrit, comportant les mentions obligatoires (motif du recours, durée, poste, …).
– Le respect des délais de carence entre deux contrats précaires sur un même poste.
– Les règles encadrant le renouvellement du contrat, en nombre et en durée.
Si les pratiques ne sont pas conformes, le contrat peut être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée avec en plus des dommages et intérêts conséquents pour le salarié… Une sanction pénale est également prévue en cas de recours abusif à la précarité.
Quelles sont les entreprises ciblées ?
C’est dans le cadre de sa campagne nationale que depuis le mois de juin et jusqu’en novembre 2025, l’inspection du travail mène une série de contrôles en entreprise.
Grâce aux données sociales nominatives (DSN), couplées à un outil numérique dédié, l’administration peut identifier les entreprises dont le taux de recours aux contrats courts dépasse nettement celui de leur branche d’activité et repérer les structures susceptibles de présenter des risques de précarité excessive.
Parmi les secteurs particulièrement ciblés à ce titre, on retrouve le BTP (où certains chantiers fonctionnent essentiellement avec des intérimaires), ainsi que l’aide à la personne.
Dans cette logique de contrôle, le dispositif de bonus-malus appliqué aux cotisations chômage peut également jouer un rôle. Dans les secteurs d’activités auxquels s’appliquent le bonus-malus (à savoir notamment le secteur de l’hôtellerie-restauration, le transport routier, ou encore l’agroalimentaire) les entreprises soumises à un malus, en raison d’un taux de séparation élevé, pourraient faire l’objet de vérifications renforcées, l’objectif étant de responsabiliser les pratiques de recrutement et d’encourager une plus grande stabilité de l’emploi.
Ce que les inspecteurs examinent de près
Lors de ces contrôles, une attention particulière est portée sur la justification des contrats précaires ; l’objectif étant de détecter d’éventuels abus ou détournements des dispositifs prévus et encadrés par le Code du travail.
Parmi ceux les plus surveillés :
- Le classique accroissement temporaire d’activité : fréquemment invoqué pour justifier un besoin ponctuel, ce motif tend à être utilisé de façon quasi-systématique. Les contrôleurs vérifient si l’augmentation d’activité est réellement temporaire, ou s’il s’agit en réalité d’un besoin récurrent qui devrait être pourvu par un contrat pérenne.
- Le remplacement de salarié absent : ce motif est valable à condition de pouvoir démontrer précisément qui est remplacé, pour quelle durée, et dans quelles fonctions. L’absence de justificatif (arrêt maladie, congé, etc.) peut soulever des doutes sur la légitimité du recours au CDD.
- Le CDD d’usage : réservé uniquement à certains secteurs définis par décret (spectacle, hôtellerie, etc.), il doit correspondre à un usage constant et reconnu.
Enfin, les contrôles porteront également sur le respect du délai de carence entre deux CDD.
Les outils à disposition des salariés et des CSE
Au-delà des contrôles, la campagne nationale 2025 contre le recours abusif aux contrats précaires s’appuie sur un volet essentiel : l’information et la sensibilisation. L’objectif est de permettre aux salariés concernés et aux représentants du personnel de mieux connaître les règles et de pouvoir agir en conséquence.
Pour les salariés en CDD ou en intérim, des guides pratiques ont été diffusés par le ministère du Travail détaillant :
- les droits fondamentaux liés au contrat (rémunération, durée, renouvellement, délai de carence, etc.) ;
- les modalités de requalification en CDI en cas d’abus ;
- mais également les recours possibles en cas de litige : inspection du travail, Conseil de prud’hommes, syndicats…
Les Comités sociaux et économiques (CSE) disposent quant à eux d’un levier d’action essentiel face aux situations constatées de recours abusif aux contrats courts : le droit d’alerte sociale, permettant de signaler officiellement des pratiques contraires aux obligations légales. Pour les accompagner dans ce rôle, le ministère du travail a également mis à disposition notamment des fiches d’analyse pour identifier les situations à risque (succession de CDD, recours excessif à l’intérim, non-respect des délais de carence…).
Une démarche d’abord préventive
Ces opérations ne sont pas menées dans un esprit de sanction immédiate. Les organisations patronales ont été informées en amont, afin de permettre aux entreprises concernées de régulariser leur situation le cas échéant.
La démarche est en effet avant tout pédagogique : elle vise à sensibiliser, accompagner et inciter à des pratiques plus conformes et plus équitables. Pour les employeurs, cette campagne représente donc aussi une opportunité : celle de sécuriser leurs process RH, renforcer leur attractivité et afficher une politique d’emploi plus responsable et durable.
Toutefois, en cas de non-conformité manifeste ou répétée, un procès-verbal peut être transmis au parquet, conformément aux prérogatives de l’inspection du travail.
Nos conseils pour anticiper et réagir
- Faire le point sur ses pratiques et réaliser un « audit » interne de ses méthodes de recrutement permet d’identifier les éventuelles zones de fragilité et d’anticiper tout contrôle.
- Renforcer ses compétences RH en s’informant ou en informant l’encadrement des règles régissant le CDD, l’intérim ou le CDD d’usage.
- Favoriser le dialogue social en échangeant avec les représentants du personnel, quand ils sont présents, aide à instaurer une culture de transparence et de responsabilité dans l’entreprise.
- En fonction de la situation, construire un plan de résorption de la précarité
À propos de L'auteur

Alexandra Clerc
Manager Conseil Social
Au sein de la Direction Marché Conseil Social et Paie chez In Extenso, Alexandra a notamment pour mission d’assurer une veille technique et réglementaire principalement dans le domaine du conseil social.
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