Blog Magaz'In

Article

Taux réduit d’IS à 15 % : vague de redressements fiscaux après l’arrêt du Conseil d’État du 13 mars 2025

Date de publication : 15.12.25

Fiscalité

image a la une

Télécharger
le e-book

 

Les données collectées marquées d'un * sont obligatoires et permettront l'envoi ou le téléchargement de la ressource.
En savoir plus dans notre politique de confidentialité

Un arrêt récent du Conseil d’État modifie les modalités d’appréciation du seuil de chiffre d’affaires de 10 M€ conditionnant l’accès au taux réduit d’impôt sur les sociétés (IS) à 15 %.

Depuis quelques semaines, l’administration fiscale s’appuie sur cet arrêt pour lancer une vague nationale de redressements et contester l’application du taux réduit pour certaines filiales appartenant à un groupe de sociétés, y compris dans des situations où, jusqu’alors, l’éligibilité au taux réduit ne faisait aucun doute. 

Ces redressements concernent notamment des situations où la société bénéficiaire du taux réduit : 

  • Est détenue par une société mère qui dirige un groupe intégré dont elle ne fait pas partie, ou 
  • Appartient à un groupe de sociétés non intégré fiscalement. 

L’enjeu peut être significatif dès lors que la plupart des redressements s’appuient sur 3 années non prescrites : le taux réduit de 15 % s’applique jusqu’à 42 500 € de bénéfice, contre 25 % pour le taux normal. 

Pour être éligible au taux réduit d’IS de 15 %, la société redevable de l’IS doit remplir les conditions cumulatives suivantes : 

  • Condition tenant à la composition du capital : 
    Pour toutes les sociétés : Le capital de la société éligible doit être détenu : 
    • Soit directement pour 75 % au moins par des personnes physiques ; 
    • Soit indirectement par l’intermédiaire d’une société détenue pour 75 % au moins par des personnes physiques.  
  • Condition tenant au chiffre d’affaires : 
    • Pour les sociétés isolées (non contrôlées) : le chiffre d’affaires propre ne doit pas excéder 10 M€ ; 
    • Pour la société mère d’un groupe intégré : le chiffre doit être apprécié en faisant la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres du groupe intégré et ne doit pas excéder 10 M€ ; 
    • Pour les sociétés contrôlées par une autre société : le chiffre d’affaires propre mais également le chiffre d’affaires de la société contrôlante ne doit pas excéder 10 M€.  

Attention : si l’entité contrôlante est une société mère d’un groupe intégré (auquel n’appartiendrait donc pas la société contrôlée), le chiffre d’affaires de cette mère doit être apprécié selon la méthode du 2 ci-dessus.  

Ainsi, jusqu’à présent et en conformité avec la lettre du texte, pour apprécier la condition de chiffre d’affaires de la société qui détient le capital de la société éligible, il est fait application des règles suivantes : 

  • Lorsque la filiale est détenue par une mère intégrante, sans pour autant faire partie du groupe intégré, le chiffre d’affaires de la société mère est apprécié au niveau du groupe intégré, en additionnant les chiffres d’affaires de l’ensemble des sociétés du groupe intégré ; 
  • Lorsque la filiale est détenue par une mère non intégrante, le chiffre d’affaires de la société mère est apprécié à son seul niveau.  

L’arrêt du Conseil d’Etat (CE, 13 mars 2025, n° 481538, Sté TDA) change cette logique. 
Le Conseil d’État considère que, pour respecter l’intention du législateur et la réglementation européenne sur les aides d’État aux PME, la condition de chiffre d’affaires de la société qui détient le capital de la société éligible est appréciée en tenant compte du chiffre d’affaires du groupe économique dans son ensemble, qu’il soit fiscalement intégré ou pas.  

C’est une approche nouvelle, qui élargit le périmètre d’appréciation du seuil du chiffre d’affaires bien au-delà de ce que prévoit la loi et la doctrine administrative. 

Le BOFiP (BOI-IS-LIQ-20-10 n°50 et n°160, 03-03-2021) présente les cas suivants : 

  • Cas général : le seuil de chiffre d’affaires s’apprécie au niveau de la société elle-même. C’est le régime de droit commun des entités redevables de l’IS. En application de la loi, reprise dans les dispositions du §160 du BOFIP précité, lorsque la société redevable de l’IS est contrôlée par une société, cette dernière doit également respecter le plafond de chiffre d’affaires ; 
  • Cas particulier : la société mère d’un groupe fiscal intégré est soumise à l’obligation d’apprécier la limite de 10 M€ en cumulant les chiffres d’affaires de l’ensemble des sociétés membres du groupe intégré ; 
  • Aucune disposition doctrinale n’étend ce cas particulier à un groupe de sociétés non fiscalement intégré. 

Ce point est essentiel : la doctrine de l’Administration limite le périmètre du cumul de chiffre d’affaires au seul cas où la société est mère intégrante d’un groupe fiscal. En principe, cette position doctrinale est opposable à l’Administration et au juge.  

Par conséquent, selon nous : 

  • En présence d’une filiale contrôlée par une mère non intégrée, c’est le cas général qui devrait s’appliquer : le seuil de chiffre d’affaires de la mère s’apprécie au niveau de la société elle-même ; 
  • En présence d’une filiale détenue par une mère intégrante, c’est le cas particulier qui s’applique : le seuil de chiffre d’affaires de la mère intégrante s’apprécie au niveau du groupe en cumulant les chiffres d’affaires des sociétés intégrées au groupe.  

Cet article prévoit que l’administration ne peut pas rectifier une société si : 

  • Le contribuable a appliqué un texte fiscal conformément à la doctrine publiée
  • Et que cette doctrine n’a pas été modifiée au moment des faits. 

Même si la jurisprudence change, la doctrine protège le contribuable tant qu’elle reste publiée. 

La doctrine administrative est donc pleinement applicable pour l’appréciation du seuil de chiffre d’affaires de 10 M€. 

À notre sens, dans tous les cas où la filiale contrôlée est détenue par une mère non intégrante et que le chiffre d’affaires propre de la mère est inférieur à 10 M€, les rectifications fondées sur l’arrêt (CE, 13 mars 2025, n° 481538, Sté TDA) sont juridiquement contestables. 

Toutefois, dans tous les cas où la filiale contrôlée, sans faire partie du groupe intégré, est détenue par une mère intégrante et que le chiffre d’affaires du groupe intégré est supérieur à 10M€, les rectifications paraissent justifiées.   

Le taux réduit d’impôt sur les sociétés de 15 % est prévu par l’article 219, I-b du Code général des impôts. Il s’applique, sous conditions, sur la fraction de bénéfice inférieure ou égale à 42 500 €, notamment au profit des petites et moyennes entreprises.

L’application du taux réduit est subordonnée à deux conditions cumulatives :

  • une condition relative à la détention du capital, qui doit être détenu à 75 % au moins par des personnes physiques, directement ou indirectement ;
  • une condition relative au chiffre d’affaires, qui ne doit pas excéder 10 M€, selon des modalités d’appréciation dépendant de la situation de la société.

Par cet arrêt, le Conseil d’État considère que le seuil de chiffre d’affaires doit être apprécié en tenant compte du groupe économique dans son ensemble, qu’il soit ou non fiscalement intégré. Cette approche élargit le périmètre d’appréciation du chiffre d’affaires par rapport à l’interprétation antérieure.

Les redressements engagés par l’administration fiscale concernent principalement :
– les filiales détenues par une société mère dirigeant un groupe fiscalement intégré, sans appartenir à ce groupe ;
– les sociétés appartenant à un groupe non intégré fiscalement.

À ce jour, la doctrine administrative publiée au BOFiP (BOI-IS-LIQ-20-10) n’a pas été modifiée. Elle continue de limiter le cumul des chiffres d’affaires au seul cas des groupes fiscalement intégrés.

Conformément à l’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, la doctrine administrative publiée demeure opposable à l’administration tant qu’elle n’a pas été modifiée, même en cas de changement de jurisprudence.

La contestabilité d’un redressement dépend de la situation de la société concernée, notamment de la structure du groupe et du respect des conditions prévues par la doctrine administrative applicable au moment des faits.

Non. La doctrine administrative distingue clairement :

  • les groupes fiscalement intégrés, pour lesquels le chiffre d’affaires s’apprécie de manière cumulée ;
  • les groupes non intégrés, pour lesquels le seuil s’apprécie, en principe, au niveau de chaque société.

Une mise à jour de la doctrine administrative est possible afin de tenir compte de la jurisprudence récente, mais aucune modification n’a été publiée à ce stade.

À propos de L'auteur

Rabia Hedia

Manager technique, fiscaliste

Rabia est fiscaliste au sein de la Direction Technique du groupe In Extenso. Elle a pour mission d’assurer une veille technique et réglementaire ainsi que de participer à l’animation du réseau In Extenso principalement dans le domaine de la fiscalité.

Voir d'autres articles

Aïda Kammoun

Avocat fiscaliste chez In Extenso Avocats

Aïda est avocate fiscaliste au sein d’In Extenso Avocats Paris Ile de France. Elle intervient sur la fiscalité des entreprises et des particuliers.

Voir d'autres articles

Partagez cet article

Vous avez aimé cet article, vous avez une question ? Laissez un commentaire

Notre politique de protection des données personnelles.

Suivez-nous !

Des contenus utiles pour vous inspirer dans la gestion de votre entreprise

*

Les données collectées serviront uniquement pour vous envoyer les lettres d'information. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans chaque envoi. En savoir plus dans notre politique de confidentialité.