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Décompte des heures supplémentaires : les congés payés entrent dans l’équation
Date de publication : 16.10.25

Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a précisé que lorsque le temps de travail est décompté à la semaine, les jours de congés payés doivent être pris en compte pour déterminer si le seuil déclenchant les majorations pour heures supplémentaires est atteint.
Cette décision vise à garantir que les salariés ne soient pas pénalisés dans le paiement des heures supplémentaires, du fait de la prise de leurs congés. Cette jurisprudence marque ainsi une évolution importante pour les employeurs, qui doivent adapter le suivi du temps de travail, la qualification des heures et leurs pratiques de paie.
Sous l’influence de la jurisprudence communautaire, une nouvelle règle s’impose : les jours de congés payés pris sur une semaine partiellement travaillée doivent être pris en compte pour apprécier le seuil de déclenchement des majorations pour heures supplémentaires.
En effet, toute pratique qui aurait pour effet de dissuader un salarié de prendre ses congés est jugée incompatible avec la finalité du droit au repos. Or, exclure les congés payés du seuil de déclenchement des heures supplémentaires fait perdre au salarié un avantage financier qui peut le dissuader de se reposer.
Concrètement, cela signifie que les heures de congés payés doivent être intégrées dans le total hebdomadaire servant à déterminer si le salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute la semaine.
Prenons l’hypothèse d’un salarié dont la durée de travail hebdomadaire de travail est fixée à 35 heures, soit 7 heures par jour du lundi au vendredi.
Sur la semaine concernée, il travaille ainsi :
● Lundi : 8 heures au lieu de 7 heures
● Mardi : 8 heures au lieu de 7 heures
● Mercredi : 8 heures au lieu de 7 heures
● Jeudi : congé payé (équivalent à 7 heures)
● Vendredi : congé payé (équivalent à 7 heures)
Il a donc travaillé effectivement 24 heures sur la semaine et a bénéficié de congés payés équivalant à 14 heures.
Avant l’arrêt du 10 septembre 2025 :
Le salarié était rémunéré pour 38 heures, sans majoration (24 heures de travail + 14 heures de congés payés). En effet, seules les 24 heures réellement travaillées étaient prises en compte pour le décompte des heures supplémentaires.
Le seuil des 35 heures n’étant pas dépassé sur les jours travaillés, aucune majoration n’était appliquée aux 3 heures réalisées au-delà de la durée habituelle.
Depuis l’arrêt du 10 septembre 2025 :
Les 14 heures de congés payés sont désormais appréciées pour déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Le salarié atteint 38 heures sur la semaine, ce qui déclenche le paiement de 3 heures rémunérées sur la base du taux horaire majoré du taux applicable aux 3 premières heures supplémentaires réalisées au-delà de 35 heures.
À noter
Les heures supplémentaires dites « structurelles », « mensualisées » ou « habituelles », comprises dans le cadre de l’horaire collectif de travail (ex : 39 heures par semaine) ou dans les forfaits hebdomadaires ou mensuelles ne sont pas concernées. En effet, ces heures sont déjà rémunérées à taux majoré, même lorsque le salarié prend partiellement des congés payés au cours d’une semaine.
Seules les heures supplémentaires dites « occasionnelles » ou « exceptionnelles », c’est-à-dire celles effectuées ponctuellement en dépassement de l’horaire habituel, sont concernées par cette évolution jurisprudentielle.
Prenons l’hypothèse d’un salarié dont la durée de travail hebdomadaire de travail est fixée à 39 heures, soit 8 heures par jour du lundi au jeudi et 7 heures le vendredi.
Sur la semaine concernée, il travaille ainsi :
● Lundi : 9 heures au lieu de 8 heures
● Mardi : 9 heures au lieu de 8 heures
● Mercredi : 9 heures au lieu de 8 heures
● Jeudi : congé payé (équivalent à 8 heures)
● Vendredi : congé payé (équivalent à 7 heures)
Il a donc travaillé effectivement 27 heures sur la semaine et a bénéficié de congés payés équivalant à 15 heures.
Avant l’arrêt du 10 septembre 2025 :
Le salarié était rémunéré pour 42 heures, sans majoration (27 heures de travail + 15 heures de congés payés). En effet, seules les 27 heures réellement travaillées étaient prises en compte pour le décompte des heures supplémentaires.
Le seuil des 35 heures n’étant pas dépassé sur les jours travaillés, aucune majoration n’était appliquée aux 3 heures réalisées au-delà de la durée habituelle.
Depuis l’arrêt du 10 septembre 2025 :
Les 15 heures de congés payés sont désormais appréciées pour déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Le salarié atteint 42 heures sur la semaine, ce qui déclenche le paiement de 3 heures rémunérées sur la base du taux horaire majoré du taux applicable aux heures supplémentaires réalisées au-delà de 39 heures.
Quelle qualification pour ces heures : une incidence limitée à la rémunération ?
Si l’on s’en tient à l’esprit du texte communautaire et à une lecture stricte de la décision de la Cour de cassation, l’objectif poursuivi semble orienté vers la rémunération des heures concernées en tant qu’heures majorées.
« Il convient en conséquence d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3121-28 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un temps de travail effectif les heures prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaine considérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute la semaine ».
Autrement dit, ces heures ne devraient donc produire d’effet qu’en terme de rémunération, sans incidence sur les droits associés et notamment sur le bénéfice des exonérations salariales et patronales applicables aux heures supplémentaires.
Dans l’attente d’éventuelles précisions des administrations sociales et fiscales, cette interprétation nous paraît être la plus sécurisante à retenir.
A noter qu’un doute sérieux subsiste cependant sur leur imputation sur le contingent annuel d’heures supplémentaires qui pourrait conduire à un éventuel dépassement de celui-ci, entraînant le déclenchement obligatoire d’une contrepartie en repos correspondant à 50% ou 100% de ces heures.
Portée de la décision sur les situations antérieures
La prescription triennale applicable aux éléments de salaire semble ici opposable.
Cela signifie que les salariés disposent d’un délai de trois ans pour réclamer un complément de rémunération lié à une mauvaise prise en compte des congés payés dans le calcul des heures supplémentaires.
Sont potentiellement concernés tous les salariés relevant d’une organisation du temps de travail hebdomadaire dès lors qu’ils ont effectué des heures supplémentaires exceptionnelles, y compris ceux sous forfait mensuel en heures.
Si ces heures ont été sous-évaluées du fait de l’exclusion des congés payés dans le décompte, une régularisation pourrait être demandée.
Quoi qu’il en soit, si une régularisation devait être réalisée via un bulletin de paie correctif, elle impliquerait le versement d’un complément de rémunération.
À noter que si l’Administration venait à considérer que ces heures payées comme des heures supplémentaires pouvaient être ainsi qualifiées, il conviendrait alors de régulariser les exonérations sociales et fiscales applicables à ces heures ainsi que le montant de l’allègement de cotisations patronales applicable sur la/les périodes concernées.
Enfin, il conviendrait de vérifier si, avec ces heures, le contingent annuel d’heures supplémentaires applicable se trouvait dépasser avec pour incidence directe le calcul d’une contrepartie obligatoire en repos due rétroactivement au salarié au titre de l’année considérée.
Adapter ses pratiques et/ou repenser l’organisation
Concrètement, en pratique, cette « nouvelle donne » concerne seulement les organisations du temps de travail à la semaine.
En présence d’heures « occasionnelles » réalisées au cours d’une semaine partiellement travaillée en raison de la prise d’un/plusieurs jours de congés payés, vous devez distinguer les véritables heures supplémentaires des heures rémunérées comme des heures supplémentaires pour assurer un traitement conforme en paie.
Prenons l’hypothèse d’un salarié employé dans une entreprise dont l’organisation du temps de travail est fixée dans un cadre hebdomadaire. La durée de travail est fixée à 35 heures, soit 7 heures par jour du lundi au vendredi.
Les 4 premières heures supplémentaires sont indemnisées à 15%, les 4 suivantes à 25%, les 4 suivantes à 25%.
Sur la semaine concernée, il a travaillé comme suit :
● Lundi : 9 heures au lieu de 7 heures
● Mardi : 9 heures au lieu de 7 heures
● Mercredi : 9 heures au lieu de 7 heures
● Jeudi : 9 heures au lieu de 7 heures
● Vendredi : congé payé (équivalent à 7 heures)
Il a réellement travaillé 36 heures sur la semaine et a bénéficié d’un congé payé équivalant à 7 heures.
Les 7 heures de congé payé sont désormais appréciées pour déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
● Temps de travail effectif pour l’appréciation des heures supplémentaires : 36 heures.
● Temps de travail effectif + temps assimilé à du temps travaillé pour le paiement d’heures supplémentaires : 43 heures
Pour le traitement de la paie :
● 1 heure supplémentaire est à rémunérer à 15% : elle doit être traitée en paie comme une véritable heure supplémentaire :
▪ s’imputant sur le contingent annuel d’heures supplémentaire,
▪ permettant le bénéfice des exonérations sociales et fiscales,
▪ entrant dans les paramètres de calcul de la réduction générale de cotisations patronales.
● 3 heures supplémentaires sont à rémunérer à 15% sans être traitées en paie comme des heures supplémentaires. Comme évoqué supra, un doute sérieux subsiste quant à leur imputabilité sur le contingent annuel d’heures supplémentaires autorisé dans l’entreprise.
● 4 heures supplémentaires sont à rémunérer à 25% sans être traitées en paie comme des heures supplémentaires. Comme évoqué supra, un doute sérieux subsiste quant à leur imputabilité sur le contingent annuel d’heures supplémentaires autorisé dans l’entreprise.
Illustration n° 2 :
Prenons l’hypothèse d’un salarié employé dans une entreprise dont l’organisation du temps de travail est fixée dans un cadre hebdomadaire. La durée collective de travail est fixée à 39 heures, soit 8 heures par jour du lundi au jeudi et 7 heures le vendredi.
Les 4 premières heures supplémentaires sont indemnisées à 10%, les 4 suivantes à 20%, les 4 suivantes à 25%.
Sur la semaine concernée, il a travaillé comme suit :
● Lundi : 9 heures au lieu de 8 heures
● Mardi : 9 heures au lieu de 8 heures
● Mercredi : 9 heures au lieu de 8 heures
● Jeudi : 9 heures au lieu de 8 heures
● Vendredi : congé payé (équivalent à 7 heures)
Il a réellement travaillé 36 heures sur la semaine et a bénéficié d’un congé payé équivalant à 7 heures.
Les 7 heures de congé payé sont désormais appréciées pour déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Les 4 heures supplémentaires dites « structurelles » ou « habituelles » de 35 à 39 heures sont déjà payées à taux majoré de 10%. Cependant, la 36ième entrant dans le temps de travail effectif, il ne fait aucun doute qu’elle doive être imputée sur le contingent annuel d’heures supplémentaires.
Quelles heures rémunérer au-delà et à quel taux ? Les 4 heures réalisées de manière « occasionnelle » ou « exceptionnelle » doivent être payées au taux majoré de 20%. Comme évoqué supra, un doute sérieux subsiste quant à leur imputabilité sur le contingent annuel d’heures supplémentaires autorisé dans l’entreprise.
En pratique, le service paie devra veiller à distinguer ces heures payées comme des heures supplémentaires mais qui ne seront pas traitées comme telles dans le calcul du bulletin de paie !
Si la gestion de la paie était complexe, avec cette nouvelle donne, la complexité atteint son paroxysme !
Naturellement, les entreprises dotées d’un module de GTA (Gestion des Temps et des Activités) devront s’assurer de la bonne qualification des heures ainsi réalisées pour une paie conforme.
Si cette nouvelle règle impose des changements, elle peut aussi être l’occasion de repenser les pratiques de gestion du temps de travail :
- En limitant la prise de jours de congé isolés pour privilégier des périodes complètes de congés (cinq jours ouvrés consécutifs), les employeurs peuvent mieux maîtriser les effets sur les seuils d’heures supplémentaires,
- A défaut, en ne planifiant pas d’heures supplémentaires « occasionnelles » sur les semaines concernées par une prise partielle de congés payés.
De même, réserver les repos ponctuels aux jours de repos compensateurs de remplacement (RCR) ou de contrepartie obligatoire en repos (COR) éventuellement acquis par les salariés concernés permettrait également de limiter les effets de cette jurisprudence, ces jours n’étant pas soumis au même régime que les jours de congés payés.
Enfin, par accord d’entreprise, plusieurs leviers pourraient être mobilisés en fonction de l’activité, des nécessités d’organisation et de l’activité de l’entreprise :
- Moduler ou abaisser le taux de majoration des heures supplémentaires ;
- Augmenter le contingent annuel d’heures supplémentaires pour limiter, par anticipation, une éventuelle qualification de ces heures en véritables heures supplémentaires imputables sur le contingent ;
- Adopter une organisation pluri-hebdomadaire du temps de travail.
Cette réforme invite donc à une réflexion globale sur les rythmes de travail, la planification des salariés, la gestion des absences et la performance sociale de l’entreprise.
En conclusion, il est essentiel d’intégrer rapidement ces règles dans vos processus internes, sans attendre une éventuelle réforme législative. Ne pas adapter vos pratiques vous expose à des risques concrets :
- Dégradation du climat social.
- Contentieux individuels (demande de régularisation, dommages et intérêts, voire prise d’acte de la rupture du contrat de travail).
- Par ailleurs, dans les entreprises dotées de délégués syndicaux (DS), des actions collectives pourraient être introduites par ces derniers pour imposer une mise en conformité. De plus, même en l’absence de DS, le CSE pourrait réclamer une mise en conformité pour l’ensemble des salariés.
Une autre incidence de la prise de congés payés
Il est également à noter qu’une seconde décision du 10 septembre 2025 consacre le droit pour un salarié tombant malade pendant ses congés payés de bénéficier d’une prise différée des jours concernés.
Cette évolution aligne le droit français sur la position de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui distingue clairement deux temps distincts : le congé annuel, qui vise à offrir une véritable période de repos et de loisirs, et l’arrêt maladie, qui doit permette au salarié de se rétablir. Faire coïncider ces deux périodes reviendrait à priver le salarié de son droit au repos effectif.
👉 Pour en savoir plus sur cette seconde décision, et ses incidences pratiques sur la gestion des absences, nous vous invitons à consulter notre article dédié “Quand la maladie se déclare pendant les congés payés : nouvelle règle, nouveau droit“.
[Webinaire] Congés payés : impacts des arrêts du 10 septembre 2025
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➡️ 20 octobre 2025 de 11h30 à 12h30
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À propos de L'auteur

Elodie Tabel-Diffaza
Directrice Marché Conseil Social et Paie
Spécialisée en droit social et droit de la protection sociale complémentaire, Elodie a rejoint le groupe In Extenso en 2008 en tant que Directrice Marché Conseil Social et Paie

Alexandra Clerc
Manager Conseil Social
Au sein de la Direction Marché Conseil Social et Paie chez In Extenso, Alexandra a notamment pour mission d’assurer une veille technique et réglementaire principalement dans le domaine du conseil social.
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