Blog Magaz'In

Article

Quand la maladie se déclare pendant les congés payés : nouvelle règle, nouveau droit

Date de publication : 16.10.25

Ressources humainesSocialTous secteurs d'activité

image a la une

Télécharger
le e-book

 

Les données collectées marquées d'un * sont obligatoires et permettront l'envoi ou le téléchargement de la ressource.
En savoir plus dans notre politique de confidentialité

Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a opéré un revirement attendu en matière de congés payés. Elle reconnaît désormais qu’un salarié tombant malade pendant ses congés peut bénéficier d’une prise différée des jours concernés, à condition de justifier de son arrêt de travail.

Cette évolution s’inscrit dans le prolongement de la mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne en juin 2025, qui reprochait une non-conformité du droit français avec les règles européennes encadrant le droit au repos.

Pour les employeurs, cette évolution n’est pas sans conséquence : elle impose une vigilance dans la gestion des absences et la reprogrammation éventuelle des congés. On fait le point sur ce qu’il faut retenir pour rester conforme et éviter les mauvaises surprises.

Avant le 10 septembre 2025, un salarié tombant malade pendant ses congés ne pouvait pas prétendre à leur report. La jurisprudence française considérait en effet que les congés, en tant que première cause de suspension du contrat, primaient sur l’arrêt maladie.

La Cour de cassation reconnaît désormais que si un salarié transmet un arrêt maladie pendant ses congés, les jours de congés qui coïncident avec la maladie doivent être différés.

Cette position s’aligne sur celle de la Cour de justice de l’union européenne (CJUE), qui rappelle que le droit au repos ne peut être absorbé par une période de convalescence.

Le droit européen distingue en effet clairement les objectifs : le congé annuel vise à offrir une vraie coupure, faite de repos et de loisirs, tandis que le congé maladie permet au salarié de consolider son état de santé. Assimiler les deux reviendrait à nier la finalité du droit au repos.

Un report conditionné à la notification d’un arrêt maladie

Pour qu’un salarié puisse bénéficier du report de la prise de ses congés payés du fait d’une période de maladie, une condition essentielle doit être remplie : la transmission d’un arrêt de travail à l’employeur. En pratique, il doit s’agir du feuillet n°3 de l’arrêt maladie, destiné à l’entreprise.

Le salarié doit l’envoyer dans les délais habituels : en principe dans les 48 heures suivant le début de l’arrêt, sauf si la convention collective ou les usages internes prévoient un délai plus souple ou encore en cas de circonstances médicales particulières.

Sans justificatif, le salarié ne peut prétendre à aucun report de ses congés payés.

L’arrêt maladie ainsi notifié doit conduire l’entreprise, comme pour tout arrêt de travail pour ce motif, à :

  • faire un signalement d’évènement à la CPAM via une DSN évènementielle dans les 5 jours suivant la survenance de l’arrêt. En pratique, respecter ce délai déclaratif cela ne sera pas sans poser de difficultés aux entreprises qui ferment durant plusieurs semaines et qui n’auront pas pu réceptionner l’arrêt de travail transmis par le salarié concerné ;
  • calculer la rémunération due au salarié selon les modalités de valorisation et d’indemnisation d’un arrêt maladie avec application éventuelle d’un délai de carence, d’un maintien partiel, …

Enfin, l’utilisation par une entreprise et ses salariés d’un module SIRH de gestion des congés et absences devra probablement être adaptée pour intégrer cette nouvelle règle d’un arrêt maladie susceptible de suspendre la période de congés en cours…

Qu’en est-il des situations antérieures ?

Si la nouvelle jurisprudence ouvre un droit à la prise différée des congés payés en cas de maladie, elle reste encadrée par une condition administrative stricte : la transmission d’un arrêt de travail. Et c’est précisément cette exigence qui peut venir limiter les demandes de régularisations rétroactives.

En pratique, il est peu probable qu’un salarié puisse produire un justificatif valable pour une absence survenue plusieurs mois ou années auparavant, soit parce que le document n’a jamais été demandé, soit parce qu’il n’a pas été conservé. Le justificatif agit donc comme un garde-fou contre une interprétation trop large de cette nouvelle règle.

Cela dit, dans le cadre d’une analyse au cas par cas, certaines situations méritent une attention particulière. Il conviendra d’être vigilant face aux demandes où le salarié aurait informé l’employeur « par tout moyen » de son état de santé pendant ses congés.

Ainsi, pour les demandes de régularisations antérieures au 10 septembre 2025, certains cas d’espèce pourraient être considérés comme une notification suffisante notamment si le salarié peut prouver qu’il a perçu des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) pendant ses congés payés ou s’il a informé son employeur de son état de santé par un moyen probant (courriel, courrier, message écrit), même sans transmission formelle du feuillet n°3.

Enfin, cette évolution jurisprudentielle soulève une question de temporalité : quelle prescription appliquer ?

Dans le cadre d’un contrat en cours, il semble cohérent de retenir la prescription biennale, applicable aux droits liés à l’exécution du contrat de travail.

En présence d’une demande de régularisation alors que le contrat est rompu, c’est la prescription triennale qui semble opposable, dès lors que la régularisation se fera sous la forme d’une indemnité compensatrice de congés payés.

Quoi qu’il en soit, si une régularisation devait être réalisée via un bulletin de paie correctif, elle pourrait induire :

  • un ajustement des compteurs de congés payés et de la provision pour congés payés ;
  • une restitution par le salarié de la rémunération indûment perçue au titre des congés payés ayant couvert l’arrêt maladie en question si, au titre d’un arrêt maladie, un délai de carence s’appliquait et/ou l’indemnisation maladie était partielle ;
  • et un recalcul des cotisations et des allègements de charges dus au titre de la période concernée.

Informer le salarié du volume de jours différés : une obligation à ne pas négliger

Lorsqu’un salarié transmet un arrêt maladie pendant ses congés payés et que le report de la prise est acquis, l’employeur a en principe l’obligation de l’en informer.

L’information sur le nombre de jours de congés différés doit être réalisée lorsque le salarié reprend son activité.

Deux hypothèses doivent alors être distinguées :

  • Si le salarié peut poser ses congés payés différés pendant la période de prise en cours : Le volume de jours concernés peut alors simplement être réintégré au compteur de congés sur le bulletin de paie. En effet, le bulletin de paie peut suffire à informer le salarié.

En pratique, nous recommandons de fournir aux salariés de l’entreprise un support leur permettant de savoir lire et comprendre les compteurs affichés sur leur bulletin de paie.

  • Dans l’hypothèse où les jours de congés différés ne peuvent être consommés durant la période de prise en cours : l’employeur devra alors, dans les 30 jours suivant la reprise du salarié, l’informer, d’une part, du nombre de jours différés et, d’autre part, de la date limite de prise de ces jours, encadrés dans un délai de 15 mois.
    Cette information doit répondre à un contenu minimal et sa remise doit pouvoir être tracée pour faire courir le délai de 15 mois.

Congés payés en lieu et place d’un arrêt maladie : une pratique à proscrire

Hors période de congés payés, lorsqu’un salarié « tombe » malade, il n’est pas rare qu’il fasse une demande de congés payés pour couvrir :

  • la période de maladie non encore prescrite par un véritable arrêt de travail,
  • ou l’éventuel délai de carence courant à compter de l’arrêt de travail.

Si cette pratique pouvait autrefois être tolérée, elle devient aujourd’hui juridiquement non sécurisée puisqu’il n’est théoriquement plus possible de faire coïncider un arrêt maladie avec des congés payés.

Aussi, s’il s’agit d’indemniser un délai de carence courant à compter d’un arrêt de travail notifié à son employeur, il est désormais déconseillé de donner suite à ce type de demande, même si elle émane d’un salarié de bonne foi.

En pratique, que faire ?

  • Mettre à jour vos procédures internes par exemple en intégrant notamment dans le règlement intérieur ou les notes de service que tout arrêt maladie pendant les congés doit être transmis selon les modalités et délais et habituels, 48 heures ou selon les usages internes (sans fixer, surtout, de délai plus court que celui applicable à la notification d’un arrêt maladie hors période de congés payés).
  • Informer les managers de cette nouvelle possibilité de prise différée de congés.
  • Ajuster, le cas échéant, vos outils de suivi des absences. A ce titre, si vous disposez d’un module SIRH dédié aux demandes de congés et d’absences, il est essentiel de réinstruire les processus de gestion des congés et de déclaration d’un arrêt de travail pendant une période de congés.
  • Adapter, si nécessaire, vos pratiques si elles consistaient à autoriser à poser des congés payés pour couvrir une partie d’arrêt maladie non indemnisée.
  • Prévoir une information des salariés en cas de report des jours de congés payés hors période de prise annuelle de congés en cours.
  • Traiter les demandes de régularisation avec prudence et au cas par cas.
  • Répondre aux sollicitations du CSE, le cas échéant.

Une autre incidence de la prise de congés payés

Une seconde décision du 10 septembre 2025 impose que les jours de congés payés pris sur une semaine partiellement travaillée soient désormais pris en compte pour contrôler le décompte du temps de travail effectif et le déclenchement des majorations pour heures supplémentaires. En effet, toute pratique qui aurait pour effet de dissuader un salarié de prendre ses congés est jugée incompatible avec la finalité du droit au repos. Or, exclure les congés du calcul des heures supplémentaires revient à pénaliser indirectement les salariés qui prennent des congés.

Aussi, si le droit au repos est affirmé, le maintien de la rémunération l’est également.

👉 Pour en savoir plus sur cette seconde décision, et ses incidences sur le décompte du temps de travail et la rémunération des heures supplémentaires, nous vous invitons à consulter notre article dédié “Décompte des heures supplémentaires : les congés payés entrent dans l’équation.

[Webinaire] Congés payés : impacts des arrêts du 10 septembre 2025

À propos de L'auteur

Elodie Tabel-Diffaza

Directrice Marché Conseil Social et Paie

Spécialisée en droit social et droit de la protection sociale complémentaire, Elodie a rejoint le groupe In Extenso en 2008 en tant que Directrice Marché Conseil Social et Paie

Voir d'autres articles

Alexandra Clerc

Manager Conseil Social

Au sein de la Direction Marché Conseil Social et Paie chez In Extenso, Alexandra a notamment pour mission d’assurer une veille technique et réglementaire principalement dans le domaine du conseil social.

Voir d'autres articles

Partagez cet article

Vous avez aimé cet article, vous avez une question ? Laissez un commentaire

Notre politique de protection des données personnelles.

VOUS AIMEREZ AUSSI...

Suivez-nous !

Des contenus utiles pour vous inspirer dans la gestion de votre entreprise

*

Les données collectées serviront uniquement pour vous envoyer les lettres d'information. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans chaque envoi. En savoir plus dans notre politique de confidentialité.