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Pourboires dans l’hôtellerie-restauration : une exonération très encadrée
Date de publication : 25.07.25

Appliqué avec rigueur et précaution, le régime social et fiscal des pourboires permet d’exploiter un levier de rémunération à coût maitrisé.
Longtemps perçu comme une gratification informelle, le pourboire fait aujourd’hui l’objet d’une réforme qui bouscule les habitudes notamment du secteur des Hotels, Cafés, Restaurants. Depuis 2022, ce dispositif permet aux employeurs de valoriser le travail de leurs équipes sans impact sur leurs charges sociales. Prolongé jusqu’au 31 décembre 2025, il redéfinit la manière d’envisager la rémunération variable dans l’Hôtellerie-Restauration, entre innovation managériale et efficacité RH.
Le pourboire est bien plus qu’un simple geste de remerciement. En hôtellerie-restauration, il symbolise la reconnaissance spontanée d’un service de qualité, laissé librement par le client, en espèces ou via paiement électronique. Contrairement aux sommes automatiquement incluses dans la note présentée au client, habituellement dénommée « pourcentage-service », le pourboire demeure à la discrétion du convive. Héritée du XVIᵉ siècle, cette pratique, autrefois associée à la formule « pour boire à ma santé », est revenue sur le devant de la scène comme un levier de valorisation salariale… socialement et fiscalement exonéré.
Evolution des pratiques : le pourboire à l’ère du sans-contact
Traditionnellement, le versement des pourboires se faisait principalement en espèces, à la discrétion du client, en fin de repas ou de service.
Cependant, avec l’évolution des moyens de paiement et la généralisation des paiements électroniques, la pratique a évolué. Désormais, il n’est pas rare que les clients choisissent de compléter le montant de leur addition par carte bancaire en y ajoutant un supplément, souvent destiné à arrondir le total, en signe de remerciement pour la qualité de l’accueil ou du service.
Cette transformation digitale du pourboire facilite non seulement le geste de remerciement, mais participe aussi à renforcer la rémunération des salariés. En intégrant ces compléments de revenus, désormais traçables et exonérés, les employeurs du secteur des Hotels, Cafés, Restaurants peuvent offrir à leurs équipes une rémunération plus attractive et contribuer directement à l’amélioration de leur pouvoir d’achat.
Une exonération sociale et fiscale née du contexte post-Covid
Face aux difficultés rencontrées par les secteurs en contact direct avec la clientèle après la crise sanitaire, les organisations patronales ont obtenu en 2022 une mesure inédite via la Loi de Finances : l’exonération des pourboires « volontaires ».
Initialement temporaire, cette disposition a été reconduite chaque année depuis et reste en vigueur jusqu’au 31 décembre 2025, représentant un véritable outil de valorisation salariale dans les hôtels, cafés et restaurants.
Qui peut bénéficier de cette exonération des pourboires ?
Ce dispositif cible les salariés en contact direct avec la clientèle tels que :
- les serveurs et chefs de rang,
- le personnel d’accueil,
- les barmans, …
À condition que leur rémunération ne dépasse pas 1.6 fois le SMIC, calculée sur la base de la durée légale ou contractuelle du travail, augmentée du nombre d’heures complémentaires ou supplémentaires (hors majorations).
👉 Cela correspond à 2 882 € brut/mois pour un contrat de 35 heures ou 3 212 € brut/mois pour 39 heures hebdomadaires ; étant précisé que le montant du salaire de référence ne tient pas compte des pourboires perçus.
Le dispositif législatif :
Ce dispositif permet aux employeurs des secteurs concernés de faire bénéficier leurs salariés d’une exonération de cotisations et contributions sociales mais également d’impôt sur le revenu sur les pourboires.
Les pourboires exonérés doivent être versés de manière facultative par le client, sans obligation. Ainsi, les sommes automatiquement incluses dans la note présentée au client ne peuvent pas bénéficier de ce régime.
A titre d’exemple : un serveur à temps plein (35h hebdomadaire) perçoit un salaire de 2 500 € brut/mois. Il reçoit 400 € de pourboires volontaires (carte + espèces).
👉 Son salaire est inférieur à 1,6 SMIC.
✅ Les 400 € sont donc exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu.
Versé de manière facultative, le pourboire devient ainsi un complément de rémunération reconnu, exonéré, et valorisé, au service de l’attractivité des métiers de cette branche professionnelle.
Une décision de principe de la Cour de cassation sur le statut des pourboires :
Une décision de la Cour de cassation, rendue le 5 juin 2025, vient rappeler que les pourboires versés volontairement, lorsqu’ils sont centralisés et redistribués par l’employeur, constituent une rémunération à part entière et doivent donc être soumis, à ce titre, à cotisations sociales.
Cette décision ne remet cependant pas en cause le dispositif temporaire d’exonération prévu par la loi. Elle réaffirme simplement le cadre légal de droit commun applicable, hors dispositif dérogatoire.
En pratique, l’exonération prévue par la loi de finances s’applique en priorité, tant que les conditions sont réunies. Si les conditions ne sont pas respectées, alors les pourboires doivent être soumis à cotisations (conformément à la jurisprudence).
📌Attention de vérifier la reconduction ou non de ce dispositif au-delà du 31 décembre 2025, afin d’anticiper tout changement de traitement social.
Traçabilité et obligations déclaratives
Lorsqu’il est versé par carte bancaire, le pourboire est centralisé par l’employeur et redistribué au personnel bénéficiaire, qui doit tenir un registre de répartition. La plupart des logiciels de caisse permettent :
- De recueillir des pourboires auprès de la clientèle ;
- D’assurer la répartition au personnel concerné, selon les règles prédéfinies, en assurant une traçabilité totale, en éliminant le risque de perte ou de vols liés à l’argent liquide.
Enfin, même exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, les pourboires versés doivent faire l’objet d’une déclaration en DSN par l’employeur. En effet, ces montants sont intégrés au revenu fiscal de référence, utilisé notamment pour le calcul des aides sociales ou des impôts locaux.
Pour les salariés bénéficiaires, les sommes perçues doivent être reportées dans les cases 1PB et 1PC de la déclaration 2042, intitulées « Pourboires non fiscalisés ». Cette étape garantit la transparence du dispositif et son alignement avec les obligations fiscales en vigueur.
Longtemps considéré comme une gratification informelle, le pourboire a su évoluer avec les pratiques et les enjeux. Aujourd’hui, grâce à son exonération sociale et fiscale, il devient un véritable levier de reconnaissance salariale et outil de motivation pour les équipes.
Nos conseils
- S’assurer de disposer d’un logiciel de caisse adapté, permettant de collecter les pourboires payés par carte bancaire, d’en assurer la traçabilité, et d’organiser leur répartition entre les salariés concernés.
- Pour les pourboires versés en espèces, tenir un registre de répartition clair et détaillé.
- Identifier précisément les bénéficiaires du dispositif exonéré. En effet, les « travailleurs de l’ombre », qui ne sont pas en contact avec la clientèle, tels que les cuisiniers par exemple, sont exclus de l’exonération.
- Vérifier les conditions d’exonération et les intégrer correctement dans les paies.
- Être en capacité de produire les justificatifs nécessaires, afin de pouvoir répondre à toute demande de vérification en cas de contrôle.
À propos de L'auteur

Christian Bardet
Responsable Ligne de marché Hôtellerie
Christian est responsable de la ligne de marché Hôtellerie Expertise Comptable du groupe In Extenso

Elodie Tabel-Diffaza
Directrice Marché Conseil Social et Paie
Spécialisée en droit social et droit de la protection sociale complémentaire, Elodie a rejoint le groupe In Extenso en 2008 en tant que Directrice Marché Conseil Social et Paie
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