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Incapacité ou décès du dirigeant : comment assurer la survie de l’entreprise ?

Date de publication : 05.06.25

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Une entreprise repose le plus souvent sur la compétence et la présence de son dirigeant. En son absence, sa pérennité peut être mise en péril.  Que se passe-t-il si ce dernier devient soudainement incapable d’exercer ses fonctions, ou décède ?

Deux dispositifs juridiques permettent d’anticiper ces situations : le mandat de protection future et le mandat à effet posthume.

Comment le mandat de protection future permet-il de faire face à l’incapacité ?

Le mandat de protection future permet à un dirigeant (le mandant) de désigner à l’avance une ou plusieurs personnes (le ou les mandataires) pour gérer ses affaires personnelles et/ou professionnelles dans l’éventualité où il deviendrait incapable de le faire lui-même (maladie, accident, perte de capacités mentales, etc.). Il permet par ailleurs d’éviter le recours à la nomination immédiate de cogérant (ou dirigeant simultané pour les sociétés par actions) ayant des pouvoirs dès leur nomination ou le recours à la nomination d’un dirigeant avec un mandat à effet différé (voir notre article sur le sujet ici).

Le mandat de protection future est donné pour soi-même et peut également être conféré pour autrui (protection de son enfant). Cette possibilité n’est pas traitée ici.

Le mest encadré par les articles 477-1 à 494 du Code Civil, introduits par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, ainsi que par les règles de droit commun du mandat (article 1984 à 2010 du Code Civil) dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles.

Quelle forme de mandat choisir pour protéger efficacement l’entreprise ?

Le mandat de protection future peut être établi sous deux formes :

  • par acte notarié
  • par acte sous signature privée, avec l’aide d’un avocat par exemple (art. 477 al. 4 du C. civ.). Toutefois, si le modèle détaillé établi par le ministère de la justice (cerfa 13592*04)est utilisé, l’avocat n’est pas obligatoire pour contresigner le mandat.

La forme notariée du mandat est recommandée car seul l’acte authentique  permet de conférer des pouvoirs élargis au mandataire en matière d’actes de disposition (notamment pour vendre des biens de la société concernée) et de prévoir un contrôle de celui-ci par le notaire. A défaut, d’acte notarié, le mandataire n’aura que des pouvoirs limités de gestion et d’administration. Cela peut être un choix, mais il doit être fait en connaissance de cause et en fonction des besoins, notamment de la société concernée.

Ex : la continuité de l’entreprise requiert parfois l’établissement d’actes de disposition tels que la vente d’élément d’exploitation ou encore le renouvellement d’un bail commercial.

Le chef d’entreprise pourra ainsi prévoir dans la rédaction du mandat que le mandataire prend sa place dans la vie de l’entreprise (gestion de la société, présence et droit de vote aux assemblées…). Le mandat peut aussi prévoir des contrepouvoirs à la gestion de l’entreprise par le mandant. 

De même, le mandat peut prévoir, bien qu’elle ne soit pas obligatoire, une rémunération pour le mandataire (art. 419 al. 5 du C. civ.).

Il est possible de nommer un ou plusieurs mandataires, personnes physiques ou morales, et de distinguer leurs pouvoirs entre la gestion du patrimoine privé et du patrimoine professionnel par exemple.

Quels éléments inclure dans le mandat pour une protection sur-mesure ?

Le mandat de protection future peut porter sur la protection patrimoniale (pouvoirs d’administration ou de disposition sur tout ou une partie de ses biens) et/ou sur la protection personnelle (décision concernant sa personne, application de mesures assimilées aux règles de la curatelle, de la tutelle ou plus larges et ses conditions de vie).

Les souhaits du mandant peuvent être très concrets. En effet, le mandant peut indiquer ses souhaits concernant son logement, ses conditions d’hébergement (maintien à domicile ou milieu de vie plus sécurisé etc), le maintien des relations personnelles avec les tiers, parents ou non, ou ses souhaits concernant ses loisirs et vacances.

Le mandant est libre de définir le contenu de l’étendue de la mission du mandataire lorsqu’il s’agit de protection du patrimoine. En revanche, les règles sont plus strictes lorsqu’elles concernant la protection de la personne. Le mandat doit également fixer les modalités de contrôle de son exécution.

Le mandant peut modifier ou révoquer le mandat de protection future tant que celui-ci n’a pas reçu exécution. Le mandataire peut également renoncer aux fonctions qui lui ont été octroyées.

Le mandat de protection future est-il limité dans le temps ?

Non.

Dès lors que l’incapacité est constatée, le mandat pour soi-même prend effet. Pour cela, le mandataire doit justifier du mandat auprès du Tribunal judiciaire du lieu de résidence du mandant, en produisant l’original du mandat notarié signé du mandant et du mandataire, les pièces justificatives d’identité et de résidence du mandant ainsi qu’un certificat médical de moins de deux mois attestant de l’altération des facultés mentales ou corporelles du mandant de nature à empêcher l’expression de sa volonté.

Comment mettre en oeuvre un mandat de protection future ?

Pour qu’il soit complétement opérationnel, il faut que le mandat de protection future soit compatible avec les statuts de la société dont il est associé et dirigeant. Il convient donc de procéder à une mise à jour corrélative des statuts. Par ailleurs, cette mise en œuvre peut se coupler avec le mandat à effet différé qui a fait l’objet d’une de nos publications précédentes.

Quels sont les pouvoirs et les responsabilités du mandataire ?

Le mandat fonctionne comme une procuration. Dès lors, le mandataire peut agir au nom et pour le compte du mandant qu’il représente, dans la limite des pouvoirs qui lui ont été donnés dans le mandat et sous réserve de respecter les autres règles de protection du patrimoine du mandant.

Le mandataire est tenu d’exécuter sa mission personnellement. Il ne peut la déléguer.

Il doit procéder à l’inventaire des biens au démarrage du mandat et doit établir chaque année un compte de gestion. Il devra conserver les cinq derniers comptes de gestion et les pièces justificatives et il devra les fournir en cas de demande selon les dispositions de l’article 494 alinéa 2 du Code civil mais également à la fin du mandat.

Pendant toute la durée du mandat, le mandant conserve sa capacité juridique.

Le contrôle de l’exécution du mandat est librement fixé dans le mandat par le mandant. Les modalités varient en fonction de la forme du mandat.

Le mandataire doit être vigilant afin d’éviter la remise en cause des actes passés par lui et de voir sa responsabilité engagée.

Dans quels cas le mandat de protection future prend-il fin ?

La loi définit quatre causes de cessation du mandat de protection future :

  • le rétablissement des facultés personnelles du mandant
  • le décès du mandant
  • le décès du mandataire
  • la révocation du mandat par le juge des tutelles.

Comment savoir si le dirigeant bénéficie d’un mandat de protection future ?

Le mandat de protection future sera publié sur un registre spécial dont les modalités et l’accès au registre viennent d’être définis par un décret paru le 16 novembre 2024 (décret 2024-1032 du 16 novembre 2024), soit neuf ans après la publication de la loi le mettant en place !

Qu’est ce qu’un mandat à effet posthume et dans quel cadre légal s’inscrit-il ?

Selon les dispositions du Code Civil, il est possible également de confier à un ou plusieurs mandataires le soin d’administrer ou de gérer pour le compte et dans l’intérêt d’héritier(s) identifié(s), tout ou partie de ce que le défunt à sa succession.

Le mandat à effet posthume est principalement régi par les articles 812 à 812-7 du Code Civil.

Les conditions de mise en œuvre sont plus restrictives que le mandat de protection future :

  • Il faut un intérêt sérieux et légitime motivé au regard de l’héritier et/ou de la composition du patrimoine successoral. La personne du mandant ne rentre pas en compte.
  • Le mandant doit être en capacité au moment de la mise en place du mandat
  • Le ou les héritier(s) protégé(s) doit(vent) être mentionné(s) 
  • Le (ou les) mandataire(s) peut(vent) être une personne physique ou une personne morale. Ils peuvent être plusieurs. Ce ne peut pas être le notaire en charge du règlement de la succession. Le mandataire doit jouir de la pleine capacité civile et ne doit pas être frappé d’une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral. Il ne doit pas respecter les conditions pour avoir la qualité de commerçant.  Enfin, le mandataire doit remplir les conditions requises de diplômes ou d’inscription au tableau d’un ordre professionnel si le mandat porte sur une entreprise nécessitant un diplôme ou l’inscription au tableau.

Le mandataire doit accepter le mandat.

Le mandataire peut être rémunéré si le mandat le prévoit et que les conditions de la rémunération sont définies.

A noter que rien n’interdit de prévoir à la fois un mandat à effet posthume et un mandat de protection future aux fins d’organiser tous risques à la fois d’incapacité et de disparition. Qui peut le plus peut le moins.

Quelle forme juridique doit prendre le mandat à effet posthume ?

Le mandat à effet posthume doit obligatoirement être dressé en la forme authentique. Il doit être soumis à la formalité de l’enregistrement et le coût de son établissement est défini par l’article A 444-79 du Code de Commerce.

Aucune mesure de publicité n’a été mise en place par la législation.

Quel contenu peut comporter un mandat à effet posthume ?

Le mandant est libre de fixer l’étendue du mandat, le nombre de mandataires, … dans la limite des dispositions légales.

Le rôle du mandataire est de gérer et administrer tout ou partie de la succession dans l’intérêt d’un ou des héritiers en se conformant aux instructions du défunt. Concernant le droit des sociétés, ce mandat viendra cadrer les pouvoirs de l’associé et non du dirigeant, comme nous le verrons plus en amont.

Quelle est la durée d’un mandat à effet posthume ?

En général, le mandat est donné pour une durée qui ne peut excéder deux ans, prorogeable par décision du juge du tribunal judiciaire. Cependant, il peut avoir une durée de cinq ans, prorogeable par décision du juge dans les cas prévus à l’article 812-1-1 alinéa 2 du Code Civil et notamment s’il y lieu de gérer des biens professionnels.

Le mandant peut le révoquer tant que la condition du décès n’est pas intervenue. Le mandataire peut renoncer avant ou après le décès mais il peut engager sa responsabilité s’il le fait après le décès.

Comment mettre en oeuvre un mandat à effet posthume ?

Le mandat à effet posthume prend effet à la mort du mandant, sans autre formalisme.

Quels sont les pouvoirs et les responsabilités du mandataire ?

Il y a lieu de distinguer les pouvoirs du mandataire en fonction de la situation : avant ou après l’acceptation de la succession.

Les pouvoirs du mandataire sont limités tant que les héritiers n’ont pas accepté la succession. En effet, il ne peut pas conclure d’acte emportant acceptation tacite de la succession. L’article 784 du Code civil précise la liste des actes qu’il peut effectuer. Pour être certain de ces pouvoirs, il peut demander l’autorisation au juge.

Après l’acceptation de la succession, il a des pouvoirs plus étendus mais peu définis. Il peut réaliser des actes d’administration, des actes de gestion. En revanche, il semble qu’il ne puisse pas réaliser d’actes de disposition.

Il faut conserver en tête que les pouvoirs du mandataire sont limités par les pouvoirs des héritiers et également par l’étendue de son mandat vis-à-vis des biens du mandant.

A ce titre, le mandat concerne l’actif successoral. Aussi, l’assurance-vie du mandat n’entre pas dans son champ d’intervention.

En matière de droit des sociétés, le mandataire ne peut pas automatiquement représenter les héritiers dans le cadre d’une indivision, sauf à ce que les héritiers le nomment comme le représentant de l’indivision successorale.

Par ailleurs, les statuts devront être adaptés afin de permettre la représentation de l’associé décédé par un tiers et le mandataire ne pouvant prendre des décisions relatives à des actes de disposition, ne pourra voter pour la dissolution de la société par exemple.

Aussi, le mandat à effet posthume doit être couplé avec un mandat à effet différé, qui a fait l’objet d’une publication antérieure.

Chaque année le mandataire doit rendre compte de sa gestion aux héritiers intéressés ou à leurs représentants. Il devra également rendre compte à la fin de son mandat.

Il engagera sa responsabilité en application des règles du droit commun du mandat et l’exigence de sa mise en responsabilité pourra être plus importante s’il est rémunéré. Il a un devoir de loyauté.

Dans quel cas le mandat à effet posthume prend-il fin ?

Le mandat prend fin par :

  • l’arrivée du terme
  • La révocation judiciaire
  • La conclusion d’un mandat conventionnel
  • L’aliénation par les héritiers des biens mentionnés dans le mandat
  • Le décès ou la mise sous mesure de protection du mandataire personne physique ou la dissolution du mandataire personne morale
  • Le décès de l’héritier intéressé
  • La décision juge des tutelles de mettre fin au mandat en cas de mesure de protection de l’héritier
  • La renonciation du mandataire à poursuivre l’exécution du mandat.

Comment savoir si le dirigeant bénéficie d’un mandat à effet posthume ?

Aucune mesure de publicité n’a été mise en place par la législation.

Toutefois, le mandat à effet posthume fait l’objet d’un enregistrement auprès du service de l’enregistrement et de la publicité foncière.

Le mandat à effet posthume est-il compatible avec le pacte Dutreil ?

La réponse ministérielle Des Esgaulx parue au JO AN 26 août 2008 n°15329 admet que les conditions du pacte Dutreil sont respectées en cas de mise en place d’un mandat à effet posthume. « L’article 787 C du code général des impôts (CGI) prévoit que sont exonérés à concurrence des trois quarts de leur valeur, la totalité ou une quote-part indivise de l’ensemble des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmis par décès ou entre vifs, si certaines conditions sont réunies. Ainsi, l’un des héritiers, donataires ou légataires doit notamment poursuivre effectivement, pendant les trois ans qui suivent la transmission, l’exploitation de l’entreprise individuelle. Cette condition d’exploitation de l’entreprise par l’un des bénéficiaires de la transmission implique que cette personne exerce à titre habituel et principal son activité au sein de l’entreprise. Par ailleurs, l’article 812 du code civil prévoit que toute personne peut donner à une ou plusieurs autres personnes, physiques ou morales, mandat d’administrer ou de gérer, sous réserve des pouvoirs confiés à l’exécuteur testamentaire, tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l’intérêt d’un ou plusieurs héritiers identifiés, étant précisé que le mandataire peut être un héritier. S’agissant de l’articulation entre ces dispositifs, il est précisé que si le mandataire à titre posthume désigné pour gérer l’entreprise individuelle transmise est un héritier, l’exonération partielle prévu à l’article 787 C du CGI est susceptible de s’appliquer, sous réserve du respect de l’ensemble des conditions prévues à cet article. Enfin, il est également admis que, toutes les conditions étant par ailleurs remplies, lorsqu’aucun des héritiers ou légataires n’est en mesure de poursuivre effectivement l’exploitation de l’entreprise (enfants mineurs, incapacité) les héritiers puissent bénéficier de l’exonération partielle prévue par l’article précité dans la mesure où le mandataire administre et gère l’entreprise pour le compte et dans l’intérêt d’un ou plusieurs héritiers identifiés. Ces précisions sont de nature à répondre aux préoccupations exprimées. »

Par exemple, l’exploitation peut être gérée par un mandataire à effet posthume désigné par le défunt lorsque les héritiers ou donataires sont mineurs ou ne disposent pas du diplôme requis.

 

À propos de L'auteur

Laure Gaborieau

Manager Juridique

Manager juridique forte d’une solide expérience dans le domaine juridique, Laure Gaborieau intervient principalement en droit des sociétés et droit commercial. Elle met son expertise au service des dirigeants pour les accompagner dans leurs démarches juridiques et assurer leur conformité réglementaire.

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