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L’employeur face au Coronavirus : la prévention

Date de publication : 02.03.20

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Originaire de Chine, l’épidémie liée au coronavirus (désormais appelé Covid-19) semble menacer la planète entière. La France n’est évidemment pas épargnée et des cas, de plus en plus graves, sont quotidiennement relevés. Alors que les médias égrènent, heure par heure, le bilan d’une épidémie qui vire à la pandémie, chacun doit s’organiser. Les services publics, les hôpitaux, les écoles, les administrations et les entreprises, doivent pour faire face à une situation inédite qui, malheureusement, n’apparait pas totalement sous contrôle.

Les employeurs sont, bien évidemment, en première ligne. En effet, l’article L. 4121-1 du Code du travail rappelle que :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

  • Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
  • Des actions d’information et de formation ;
  • La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
  • L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

Mais la mise en place des dispositions de ce texte dans une situation de crise de cette ampleur pose de nombreuses difficultés pratiques et juridiques. Le Ministère du travail a publié, le 28 février dernier, un « questions/réponses pour les entreprises et les salariés ». Ce document, certes très utile, illustre malheureusement, le manque d’adaptabilité du Code du travail à des situations exceptionnelles.

Les employeurs doivent rapidement prendre des mesures de prophylaxie à destination des salariés auxquelles s’ajouteront, au gré de l’évolution de la pandémie, des mesures coercitives destinées à la protéger la collectivité des salariés.

Information – Formation – Prévention : les trois piliers de la prophylaxie dans l’entreprise

Tenu de prendre les mesures nécessaires afin de préserver la sécurité et la santé physique et mentale de ses salariés, l’employeur doit notamment :

  • Informer les salariés des risques encourus et des mesures prises par le gouvernement. Cette information pourra être faite par tout moyen : affichage, mail, réunions du personnel etc. Mais elle devra être adaptée à l’activité de l’entreprise. Ainsi, certaines entreprises devront axer leur communication sur les moyens d’éviter la contamination : lavage réguliers des mains, méthode pour tousser, distance sociale à respecter, fin du « serrage de mains », etc. D’autres devront également évoquer les zones (nationales ou internationales) dans lesquelles les salariés ne doivent pas se rendre, voire les risques particuliers générés par l’activité de l’entreprise.
  • Former les salariés aux gestes quotidiens de prévention des contaminations. Là encore, cette formation est à géométrie variable. A titre d’illustration, il est certain qu’une clinique médicale aura des obligations de formation sans commune mesure avec d’autres entreprises.
  • Prévenir la propagation du virus. Pour cela, l’employeur doit inviter les salariés à l’informer avant la reprise du travail lorsqu’ils reviennent d’une zone à risque (il ne peut cependant pas imposer aux salariés de l’informer).
Mesures face au coronavirus
Des mesures coercitives adaptées à la situation des salariés

Si nécessaire, l’employeur doit également mettre à disposition des salariés des équipements d’hygiène et de protection tels que masques, gants et gels antibactériens. Il peut également favoriser l’usage du télétravail afin d’éviter, dans la mesure du possible, les contacts au sein de l’entreprise.

Avant d’adopter les mesures nécessaires, l’employeur ne doit pas omettre d’informer et de consulter le médecin du travail et le comité social et économique. Ces échanges permettront également d’améliorer, s’il y a lieu, le document unique d’évaluation des risques professionnels.

Les entreprises pourront également mettre en œuvre, le cas échéant, le plan de continuité d’activité qu’elles ont préalablement négocié. Ce dispositif permet aux entreprises qui s’en sont pourvues d’organiser leur activité en période de crise.

Des mesures coercitives adaptées à la situation des salariés

Les entreprises ne doivent pas se contenter d’adopter des mesures prophylactiques. Elles doivent aussi, s’il y a lieu, adopter des mesures coercitives destinées à assurer la protection de la collectivité des salariés et notamment :

Protéger les salariés et s’abstenir d’organiser des déplacements dans les zones à risque

L’employeur doit s’abstenir d’organiser des déplacements professionnels dans les zones à risques liées au coronavirus.

Le Ministre du travail indique à cet égard que :

« Dans un contexte évolutif et à titre de précaution, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères déconseille les voyages en Chine sauf raison impérative et recommande de se tenir éloigné momentanément du pays et de différer les déplacements. Il est également conseillé de reporter tous les déplacements non essentiels dans les régions de Lombardie et de Vénétie en Italie, en Corée du Sud en Iran et à Singapour ».

Le Ministère du travail précise les précautions à adopter lorsqu’un voyage dans une région à risque ne peut être reporté en rappelant que l’employeur doit prendre toutes les mesures préconisées par le Gouvernement afin d’assurer la protection de la santé des salariés.

Ces mesures sont d’autant plus importantes qu’un salarié qui serait contraint d’entrer dans ses zones à risque pourrait parfaitement s’y opposer et exercer son droit de retrait.

A lire : L’intéressement, un outil de management pour toutes les entreprises

Proposer des mesures de confinement aux salariés concernés

La mesure la plus efficace pour éviter la contagion est le confinement des salariés revenant d’une zone à risque (ou susceptibles d’être contaminés par le coronavirus). Mais c’est précisément dans ce domaine que l’employeur est le plus démuni puisque :

  • Soit le salarié est placé en quarantaine (pendant 14 jours) par l’un des médecins habilités de l’agence régionale santé (ARS). Seuls ces médecins peuvent prendre une telle mesure. Dans cette hypothèse, le décret n°2020-73 du 31 janvier 2020 permet au salarié concerné de percevoir les indemnités journalières versées par la sécurité sociale sans délai de carence et pour une durée maximale de 20 jours.
  • Soit le salarié n’est pas (ou pas encore) placé en confinement. Dans ce cas, l’employeur est dépendant du bon vouloir du salarié.

    Si le salarié l’informe qu’il a été dans une zone à risque ou qu’il est susceptible d’être contaminé par le coronavirus, l’employeur pourra « proposer » au salarié de rester chez lui et ce, au nom de la protection de la santé des salariés. La période de suspension du contrat sera, bien évidemment, intégralement rémunérée par l’employeur. L’employeur pourra également modifier unilatéralement les dates de départ en congés (si ils ont été posés), afin de les faire coïncider avec les périodes de quarantaine. Lorsque cela est possible, il pourra enfin demander au salarié de télétravailler.
Coronavirus : confinement ou télétravail

Mais deux situations sont encore sans solutions précises :

  • D’une part, en dehors du placement en quarantaine, il n’est pas certain que l’employeur ait la possibilité d’imposer au salarié une mesure de confinement (même en étant payé). En effet, l’employeur ne peut pas prendre, de lui-même, des mesures d’isolement. Tout au plus peut-il imposer au salarié de passer une visite devant le médecin du travail qui est seul habilité à statuer sur l’aptitude du salarié à tenir son poste de travail. Mais ce praticien, qui ne peut pas prescrire d’arrêt de travail, est-il est mesure de faire face à un risque épidémiologique de cette ampleur ?
  • D’autre part, si le salarié s’abstient, même par négligence, d’informer son employeur de sa situation personnelle, l’employeur sera totalement impuissant. En effet, le Code du travail lui impose de s’abstenir de tenir compte de l’état de santé (vrai ou supposé) du salarié pour prendre des mesures le concernant. Ainsi, l’employeur ne pourra pas licencier un salarié qui aurait contaminé d’autres salariés en s’abstenant de prévenir qu’il était potentiellement contaminé. Cette impuissance laisse perplexe lorsqu’elle est mise en balance avec les obligations qui pèsent sur l’employeur.

En conclusion, l’épidémie de coronavirus met en lumière l’ampleur des responsabilités qui pèsent sur les employeurs. Peu familiers de ce type de situations, les employeurs peinent à trouver dans les dispositions du code du travail, un dispositif efficace pour lutter contre la propagation d’une maladie aussi contagieuse.

Les employeurs peuvent toutefois sortir de leur « isolement » en mobilisant les partenaires qui, directement ou indirectement, sont habilités à intervenir sur les questions d’hygiène et de santé des salariés tels que le CSE et le médecin du travail. L’employeur doit aussi, et surtout, mobiliser les salariés eux-mêmes. En effet,  l’article L 4122-1 du code du travail leur impose de prendre soin, non seulement de leur santé, mais également de celles « des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».

Compte tenu des enjeux mis en exergue par cette pandémie mondiale, les praticiens doivent obtenir, au plus vite, les adaptations rendues nécessaires par une situation hors norme.

A propos de L'auteur

Stanislas Dublineau

Avocat associé chez In Extenso Avocats

Stanislas est titulaire d’un doctorat de droit privé. Avocat depuis 2004, il exerce son activité exclusivement en droit social et conseille des entreprises de toute taille ainsi que des syndicats patronaux et des organismes professionnels chez In Extenso Avocats.

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