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Licenciement pour motif économique et activité partielle ? Qu’est-ce qui est possible ?

Date de publication : 10.02.21

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Alors que la crise sanitaire se prolonge et malgré le fait que les aides publiques sont pour l’instant encore maintenues, de plus en plus d’entreprises se retrouvent confrontées à des difficultés économiques et envisagent l’avenir avec inquiétude.

Malgré tous les dispositifs de soutien à l’activité disponibles, activité partielle longue durée, accord de performance collective, etc…, certaines entreprises envisagent de recourir à un dispositif plus radical : le licenciement pour motif économique.

Mais, lorsqu’une entreprise bénéficie de l’activité partielle, argent public versé dans le but affiché de préserver l’emploi, quelle est sa marge de manœuvre pour cumuler ces deux mécanismes ?
Cette articulation entre le recours à l’activité partielle et l’engagement d’une procédure de licenciement pour motif économique pose en réalité deux questions :

• Dans quelle mesure le recours à un licenciement pour motif économique peut remettre en cause la validité du recours à l’activité partielle, et quelles seraient les sanctions applicables ?
• Dans quelle mesure le recours à l’activité partielle pourrait avoir une incidence sur la validité d’un licenciement pour motif économique ?

Sur l’incidence d’une procédure de licenciement pour motif économique sur le recours à l’activité partielle

Les textes

La structure du régime actuel de l’activité partielle résulte de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui a simplifié le dispositif pour le rendre plus attractif, notamment en allégeant les obligations d’engagement de maintien dans l’emploi à la charge des employeurs.

Aujourd’hui, l’article L.5122-1 du code du travail définit l’activité partielle comme un mécanisme destiné à pallier une perte de rémunération imputable à la fermeture temporaire de l’établissement ou partie d’établissement, ou à la réduction de l’horaire de travail en deçà de la durée légale du travail.

Si cette formulation ne bannit pas explicitement toute rupture de contrat de travail pour motif économique, il semble bien que l’activité partielle n’a pas vocation à intervenir lorsque la fermeture de tout ou partie d’un établissement est définitive. Sur le fondement de ce texte, le Conseil d’Etat a donc approuvé l’administration d’avoir refusé le versement d’allocations de chômage partiel pour des salariés non encore définitivement licenciés mais dont le service était définitivement fermé (CE, 17 janvier 1990, n°81790).

La portée pratique de cette limitation est toutefois peu claire à défaut de précision supplémentaire, et génère notamment les interrogations suivantes :

  • que faut-il entendre par partie d’établissement ? pourrait-il s’agir d’une seule personne?
  • quand une fermeture peut-elle être considérée comme définitive ?
  • quel est le lien exact entre fermeture d’une partie d’établissement, suppression d’emploi, et licenciement économique ?

Et en effet, à l’exception de cette formule, les textes applicables en matière d’activité partielle ne donnent que peu d’indications sur l’articulation entre suppression d’emploi, et par voie de conséquence, licenciement pour motif économique, et activité partielle.

L’obligation de maintenir les salariés dans leur emploi n’est mentionnée que dans l’hypothèse où un employeur envisage de faire une nouvelle demande d’activité partielle après y avoir déjà recouru au cours des 36 mois précédant la date de dépôt de la demande d’autorisation (article R.5122-9 CT).

Dans cette hypothèse, la nouvelle autorisation devrait en principe être subordonnée à des engagements de l’entreprise négociés avec l’administration et qui peuvent porter notamment et alternativement sur :

  • un maintien dans l’emploi des salariés pendant une durée pouvant atteindre le double de la période d’autorisation,
  • des actions spécifiques de formation pour les salariés en activité partielle,
  • des actions en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences,
  • des actions visant à rétablir la situation économique de l’entreprise.

Nous pouvons donc en déduire que :

  • Pour une première demande d’activité partielle, aucun engagement de cette sorte n’est nécessaire (la plupart de nos clients se trouvant en principe toujours dans ce cas de figure en ayant, sur les conseils des DIRECCTE, étendu leur demande initiale par avenant plutôt que procédé à une nouvelle demande) ;
  • En cas de renouvellement, il est possible de s’engager sur ce point, mais il est aussi possible de prendre d’autres types d’engagements.

Il s’agit d’une évolution par rapport au dispositif en vigueur avant la loi de 2013 précitée, où les obligations d’engagement en matière de maintien dans l’emploi étaient beaucoup plus prégnantes.

En définitive, ces quelques indications permettent de comprendre que:
le dispositif d’activité partielle n’est pas ouvert lorsqu’il s’agit de faire face à une fermeture définitive (de tout ou partie d’un établissement)
• son bénéfice n’est plus que marginalement subordonné à la prise d’engagements en matière d’emploi. Ces précisions ne sont toutefois pas suffisantes pour comprendre clairement comment articuler en conséquence procédure de licenciement économique et recours à l’activité partielle.

A lire : Covid-19 et protection des personnes vulnérables : où en est-on au 1er janvier 2021 ?

Les précisions administratives

Aujourd’hui, l’administration présente le dispositif d’activité partielle comme une « véritable alternative au licenciement » (circulaire DGEFP n°2013-12 du 12 juillet 2013, documentation technique jointe, page1/38) ou un « outil de prévention du licenciement » (documentation technique précitée, page 3/38). Selon l’administration, le recours à l’un exclut l’autre.

En pratique, l’administration limite le recours au licenciement pour motif économique par application des quelques règles suivantes :

  • En cas de première demande, simple obligation de maintenir l’emploi pendant les périodes de recours effectif à l’activité partielle (voir notamment page 3/5, page 5/38) ;
  • En cas de renouvellement de la demande, le maintien dans l’emploi n’est pas le seul engagement possible et n’est envisageable que si l’entreprise dispose d’une visibilité suffisante sur la durée de ses difficultés économiques (voir notamment page 3/5, page 5/38 et page 10/38) ;
  • Le bénéfice de l’allocation d’activité partielle est interrompu par la notification du licenciement ou de la rupture négociée pour motif économique ou à défaut la date de la rupture négociée (voir page 24/38).

Elle précise en conséquence les modalités de recours à l’activité partielle dans le contexte d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) (page 7/38) :

« Dans le cadre de la préparation ou de la mise en œuvre d’une restructuration donnant lieu à mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, l’employeur peut solliciter le bénéfice de l’activité partielle, y compris lorsqu’il procède à des licenciements. La mise en œuvre et l’indemnisation de l’activité partielle ne pourront intervenir que pour des salariés gardant sur la période considérée un lien contractuel avec l’employeur et dont, par ailleurs, le contrat de travail n’est pas suspendu pour un autre motif. »

Ces précisions administratives font écho à celles résultant de circulaires antérieures désormais abrogées, mais plus détaillées sur le sujet (voir notamment circulaire DGEFP n°2012- 22 du 21 novembre 2012), dont le contenu pourrait être résumé comme suit : l’incompatibilité entre l’activité partielle et les licenciements pour motif économique joue pour une même période, une même population et un même motif.

Ces explications, si elles sont bienvenues, laissent toutefois planer encore un certain nombre d’ambiguïtés :

  • Champ professionnel de l’incompatibilité: le maintien dans l’emploi pendant la période d’activité partielle concerne-t-il tout le personnel ou seulement ceux placés en activité partielle ? A priori, il semble assez sûr que seuls ceux placés en activité partielle soient concernés ;
  • Champ temporel de l’incompatibilité: Si des salariés placés en activité partielle font par la suite l’objet d’une procédure de licenciement, à quel moment faut-il considérer qu’ils ne peuvent plus bénéficier de l’activité partielle ? Certaines informations fournies par l’administration permettent de considérer qu’il faudrait retenir la date de notification du licenciement, date très simple à prendre en compte ; toutefois, lorsque les licenciements résultent de la fermeture d’une partie d’établissement, cette date pourrait être considérée comme trop tardive eu égard à la jurisprudence précitée du Conseil d’Etat (qui semble retenir la date où la fermeture définitive du service a été décidée), laquelle ne permet toutefois pas de comprendre exactement à quel moment le recours à l’activité partielle est proscrit.
En résumé :
Sauf hypothèse particulière d’engagements pris de maintien dans l’emploi de certains salariés, le recours à l’activité partielle n’empêche pas de procéder au licenciement pour motif économique des salariés qui n’en bénéficient pas ;
• Les salariés placés en activité partielle faisant l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique doivent en tout état de cause être exclus du bénéfice de l’activité partielle à compter de la notification de leur licenciement ;
• Au cas particulier ou le licenciement économique est la conséquence de la fermeture de tout ou partie d’un établissement, les salariés concernés devraient être exclus du dispositif d’activité partielle dès lors que la décision de fermeture est définitive ; il restera à déterminer au cas par cas à quelle date correspond précisément cette notion.
Licenciement économique en période d’activité partielle : Les questions à se poser

Les sanctions

Quelles seraient les sanctions encourues par l’employeur continuant à solliciter des allocations d’activité partielle en violation des principes énoncés ci-dessus ?

En premier lieu, si l’administration constatait un quelconque manquement de l’employeur à ses obligations, elle pourrait s’en prévaloir pour refuser une demande d’autorisation d’activité partielle, qu’il s’agisse d’une demande de prolongement de la demande initiale ou d’une demande de renouvellement, a minima s’agissant des salariés concernés par la procédure de licenciement.

En deuxième lieu, l’administration pourrait refuser de verser les allocations sollicitées dans le cadre d’une demande d’indemnisation, a minima s’agissant des salariés concernés par la procédure de licenciement.

Ces deux risques, dont la réalisation supposerait une connaissance de la situation de l’entreprise par l’administration en amont d’une autorisation ou d’un versement d’allocation, sont toutefois très théoriques.

En réalité, le principal risque réside dans la demande de remboursement a posteriori des allocations déjà perçues en cas de contrôle. L’article R.5122-10 du code du travail prévoit à ce sujet que :

« L’autorité administrative demande à l’employeur le remboursement à l’Agence de service et de paiement, dans un délai ne pouvant être inférieur à trente jours, des sommes versées au titre de l’allocation d’activité partielle en cas de trop perçu ou en cas de non-respect par l’entreprise, sans motif légitime, des engagements mentionnés au II de l’article R. 5122-9. Le remboursement peut ne pas être exigé s’il est incompatible avec la situation économique et financière de l’entreprise. »

Ce texte vise donc deux hypothèses :

  • Le remboursement en cas de trop perçu ;
  • Le remboursement en cas de non-respect des engagements pris par l’entreprise en cas de renouvellement de sa demande d’autorisation d’activité partielle.

L’administration a précisé que, s’agissant de la deuxième hypothèse, elle devra tout d’abord s’assurer de l’imputabilité à l’employeur du non-respect des engagements ; si c’était le cas, elle devra veiller malgré tout à procéder, de manière proportionnée, après un examen précis de la situation économique de l’établissement et de sa trésorerie, au recouvrement des sommes versées, toute décision de recouvrement ne devant pas mettre en péril la survie de l’établissement (circulaire précitée, page 12/38).

Le recours à l’activité partielle en violation des règles d’incompatibilité avec une procédure de licenciement économique ne correspond pas à la deuxième hypothèse, mais plutôt à la première.

Quelle serait alors l’étendue du remboursement réclamé :

  • Au niveau professionnel : porterait-il uniquement sur les allocations afférentes aux salariés licenciés, ou bien sur les sommes versées pour tous les salariés placés en activité partielle ?
  • Au niveau temporel : porterait-il uniquement sur la période correspondant au licenciement ou bien l’administration pourrait-elle légitimement revenir plus en arrière ?

Aucune réponse claire n’est apportée par les textes ni par l’administration sur ce point.

On peut espérer, surtout dans la période actuelle, que le principe de proportionnalité rappelé ci-dessus devrait gouverner la décision administrative. En outre, la notion de « trop perçu » renvoie plutôt à un décompte mathématique des sommes trop versées sans dimension punitive, qui correspondrait alors uniquement aux sommes versées au titre des salariés licenciés à compter de leur licenciement. En tout état de cause, en cas de demande de remboursement plus étendue, ces arguments pourraient être utilisés pour contester la position de l’administration.

En pratique, que faire ?

Si une entreprise recourant à l’activité partielle envisage de procéder à un ou des licenciements pour motif économique, elle devra donc se poser les questions suivantes :

Les salariés visés par la procédure de licenciement sont-ils placés en activité partielle ?

  • Si non, il n’y a a priori aucun risque (du point de vue du recours à l’activité partielle) à engager une procédure de licenciement ;
  • Si oui, il conviendra de cesser de réclamer le bénéfice d’allocations d’activité partielle pour leur compte.

A quel moment n’est-il plus possible de solliciter des allocations d’activité partielle pour le compte des salariés visés par une procédure de licenciement économique ?

  • En tout état de cause, à compter de la notification de leur licenciement ;
  • Par exception, lorsque le ou les licenciements économiques sont consécutifs à la fermeture définitive de tout ou partie d’un établissement, à compter du moment où la décision de fermeture est définitive.

Quels sont les principaux risques encourus par l’entreprise réclamant des allocations en violation de ces principes (hors engagements de maintien dans l’emploi pris en cas de demande de renouvellement) ?

  • A minima, une demande de remboursement des allocations versées au titre des salariés licenciés à compter de leur licenciement, l’administration pouvant toutefois être tentée de réclamer un remboursement plus étendu ;
  • De manière plus théorique, un refus d’autorisation d’activité partielle ou un refus de paiement d’allocation pour l’avenir a minima pour les salariés visés par la procédure de licenciement.

Les précédents développements ont visé à analyser les incidences d’une procédure de licenciement économique sur le recours à l’activité partielle. Il ne faut toutefois pas oublier que la question inverse doit également se poser.

Sur l’incidence du recours à l’activité partielle sur la validité d’un licenciement pour motif économique

Sans entrer dans une analyse approfondie de cette question pour l’instant, nous souhaitons toutefois attirer l’attention du lecteur sur l’incidence que pourrait avoir le recours à l’activité partielle sur l’appréciation du bien-fondé du licenciement pour motif économique.

Rappelons qu’un licenciement pour motif économique doit, pour être valable, être justifié par une cause économique (difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, cessation d’activité) ayant une incidence sur l’emploi (suppression, transformation d’emploi ou modification du contrat de travail).

Dans l’appréciation de l’existence de la cause économique invoquée, les juges ne manqueront pas de tenir compte du fait que l’employeur a pu bénéficier, via l’activité partielle, d’un soutien financier public soulageant l’entreprise de tout ou partie de ses coûts de personnel.

Au surplus, alors que l’entreprise aura tenu bon, malgré plusieurs mois de crise sanitaire, sans avoir recours à la suppression d’emploi, elle devra être en mesure de justifier les circonstances la conduisant à envisager désormais d’y recourir.

A propos de L'auteur

Amélie LEPORT

Juriste conseil social

Amélie est manager en conseil social au sein d’In Extenso, elle travaille depuis 12 ans dans le domaine du droit du travail et de la protection sociale. Elle a exercé ces spécialités à la fois en entreprise et en tant qu’avocate.

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Audrey DUVERNEY-GUICHARD

Juriste conseil social

Audrey est juriste conseil social au sein d’In Extenso. Elle est spécialisée en Droit de la protection sociale.

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