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Covid-19 et protection des personnes vulnérables : où en est-on au 1er janvier 2021 ?

Date de publication : 04.03.21

Coronavirus - covid-19Gestion du personnelJuridiquePME

Dès le début de la crise sanitaire, certains publics ont fait l’objet d’une protection spécifique pour tenir compte de leur vulnérabilité particulière face à l’épidémie. D’abord susceptibles de bénéficier d’un arrêt de travail dérogatoire du 13 mars au 30 avril 2020, les salariés concernés ont pu bénéficier de l’activité partielle à compter du 1er mai 2020.

L’histoire de ce dispositif, pourtant récent, est déjà mouvementée : décrets successifs, suspension, puis annulation de certaines dispositions par le Conseil d’Etat, entraînant la publication de nouveaux textes…

Ce feuilleton juridique, associé à une épidémie qui ne cesse de durer, justifie que nous fassions aujourd’hui le point sur les règles applicables en la matière depuis le 1er janvier 2021. Le régime actuel résulte désormais d’une ordonnance n°2020-1639 du 21 décembre 2020, qui a prolongé le dispositif d’activité partielle pour les personnes vulnérables jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2021.

Activité partielle pour personnes vulnérables, dans quelles conditions ?

Aujourd’hui, le bénéfice de ce régime est ouvert aux conditions cumulatives suivantes.

  • 1. Salarié répondant à l’un des critères de vulnérabilité

Un décret n°2020-1365 du 10 novembre 2020 applicable à compter du 12 novembre 2020 établit une nouvelle liste des critères de vulnérabilité justifiant le placement d’un salarié en activité partielle.

Cette dernière reprend en substance les critères listés par un décret n°2020-521 du 5 mai 2020 ayant dressé la première liste applicable, sous réserve de :

  • 2. L’exclusion des proches des personnes vulnérables qui ne sont plus visés,
  • 3. L’ajout de certaines pathologies.

A ce jour, la liste des pathologies ou états visés est la suivante :

a) Etre âgé de 65 ans et plus ;

b) Avoir des antécédents (ATCD) cardio-vasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d’accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;

c) Avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;

d) Présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale : (broncho-pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d’apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;

e) Présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;

f) Etre atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;

g) Présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;

h) Etre atteint d’une immunodépression congénitale ou acquise : – médicamenteuse : chimiothérapie anticancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ; – infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ; – consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ; – liée à une hémopathie maligne en cours de traitement ;

i) Etre atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;

j) Présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ; k) Etre au troisième trimestre de la grossesse ;

l) Etre atteint d’une maladie du motoneurone, d’une myasthénie grave, de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de paralysie cérébrale, de quadriplégie ou hémiplégie, d’une tumeur maligne primitive cérébrale, d’une maladie cérébelleuse progressive ou d’une maladie rare.

Pour mémoire, un décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 avait drastiquement réduit la liste des critères de vulnérabilité issue du décret du 5 mai 2020 précité et exclu les proches de personnes vulnérables du dispositif. Mais dans une décision du 15 octobre 2020, le Conseil d’Etat statuant en référé, a suspendu les dispositions de ce décret à l’exception de celle excluant les salariés cohabitant avec une personne vulnérable, en considérant que les nouveaux critères définis par le gouvernement manquaient de cohérence en venant à exclure des pathologies présentant un risque équivalent, voire supérieur à celles fixées initialement.

Une décision du Conseil d’Etat du 18 décembre 2020 a confirmé l’illégalité de ces dispositions et les a donc annulées. C’est dans ce contexte que, prenant acte de la position de cette juridiction, le décret du 10 novembre 2020 procède à une mise en cohérence en rétablissant les critères initialement fixés.
A noter : Si les proches de personnes vulnérables ne peuvent donc plus bénéficier du dispositif d’activité partielle depuis le 1er septembre 2020, date d’entrée en vigueur du décret du 29 août 2020 précité, l’employeur ne peut faire abstraction de sa connaissance éventuelle d’une telle situation. Dans ce cas, il est recommandé de faire bénéficier un tel salarié des mêmes mesures de protection qu’un salarié vulnérable, à savoir recours au télétravail ou bénéfice de mesures de protection renforcées dans le cadre de son retour en présentiel (mise à disposition d’un masque chirurgical, aménagements du poste du travail, respect par le salarié de l’ensemble des mesures d’hygiène et de sécurité tel que précisé dans le protocole sanitaire actualisé le 31 août 2020).

A défaut, l’employeur placerait le salarié dans une situation intenable qui pourrait lui être reprochée (prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur par exemple).
  • 4. Impossibilité de télétravailler totalement

Pour être placés en activité partielle, les salariés vulnérables doivent être dans l’impossibilité de télétravailler.

Le télétravail à 100% étant actuellement la norme (sauf cas particulier), la mise en place des mesures de protection renforcées dans le cadre du maintien en présentiel ne doit donc s’appliquer qu’à titre subsidiaire, à défaut de poste télétravaillable.

Le gouvernement a proposé, dans le cadre du second confinement, des méthodes afin d’identifier les postes télétravaillables. Celles-ci sont disponibles au lien suivant : https://www.anact.fr/coronavirus-reperer-les-activites-teletravaillables.

Il est essentiel que l’employeur soit en mesure de justifier que, sur la base de ces principes, le poste du salarié n’est en effet pas télétravaillable (et d’en conserver la preuve). A défaut, si l’administration estimait que cette situation n’était pas démontrée, elle pourrait remettre en cause la légitimité du recours à l’activité partielle, et solliciter le remboursement des allocations correspondantes.
  • 5. Impossibilité de bénéficier des mesures de protection renforcées

Les salariés considérés comme des personnes vulnérables ne doivent pas non plus pouvoir bénéficier des mesures de protection renforcées, listées par le décret du 10 novembre 2020 précité :

  • isolement du poste de travail ou son aménagement de façon à limiter au maximum le risque d’exposition (notamment adaptation des horaires, mise en place de protections matérielles) ;
  • respect des gestes barrières renforcés (hygiène des mains renforcée, port systématique d’un masque de type chirurgical en milieu clos, avec changement de ce masque au moins toutes les quatre heures et avant ce délai s’il est mouillé ou humide) ;
  • absence ou limitation du partage du poste de travail ;
  • nettoyage et désinfection du poste de travail et des surfaces touchées par la personne ;
  • adaptation des horaires d’arrivée et de départ afin d’éviter les heures d’affluence dans les transports ;
  • mise à disposition par l’employeur de masques de type chirurgical en nombre suffisant.

Ces modalités ont d’ailleurs été transposées dans le protocole sanitaire dans la version actualisée le 13 novembre 2020.

En cas de désaccord avec l’employeur sur l’appréciation des mesures de protection renforcées à mettre en œuvre, le salarié peut saisir pour avis la médecine du travail. Dans l’attente de son retour, il est placé en activité partielle.

Cette précision se justifie par le souci de ne pas laisser les salariés concernés sans revenu.

Elle pourrait toutefois entraîner des situations surprenantes car, dans ce cas de figure, et si la position du salarié s’avérait justifiée, l’attribution d’une allocation d’activité partielle à l’employeur constituerait alors une prime à sa mauvaise conduite (absence de respect de son obligation de sécurité de résultat), sauf à que son bénéfice soit remis en cause par l’administration…

A lire : Aide exceptionnelle aux congés payés : et si ça devenait intéressant ?

Placement en activité partielle : quels sont les justificatifs à produire ?

Le placement en activité partielle est effectué à la demande du salarié, sur présentation à l’employeur d’un certificat établi par un médecin.

Il peut s’agir du certificat délivré dans le cadre de la réglementation antérieure issue du décret du 5 mai 2020, donc entre le 1er mai et le 11 novembre 2020.

Dans la mesure où les certificats d’isolement ne précisent pas la pathologie du salarié (respect du secret médical), il est possible qu’un certificat délivré antérieurement au 1er septembre 2020 vise l’hypothèse d’un proche de personne vulnérable, non couvert à compter de cette date.

En cas de doute, l’employeur pourrait-il organiser une contre-visite médicale pour s’assurer que le motif invoqué par le salarié relève bien d’une situation toujours couverte par la réglementation en vigueur ? Il pourrait en tout état de cause inviter le salarié concerné à solliciter un nouvel arrêt de travail, mais il lui sera difficile de l’exiger.

Initialement, le bénéfice de l’activité partielle nécessitait la présentation par le salarié d’un certificat d’isolement établi selon les cas par l’assurance maladie ou par le médecin de ville ou le médecin traitant.

Depuis le 1er septembre 2020, il n’est plus possible de solliciter un certificat d’isolement par le bais de l’assurance maladie, en revanche le médecin de ville et le médecin traitant sont encore habilités à délivrer ces certificats (communiqué de l’assurance maladie du 28 octobre 2020). Le médecin du travail dispose également de cette faculté jusqu’au 16 avril 2021 (ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020).

Il conviendra en tout état de cause de conserver ces justificatifs qui pourront être sollicités par l’administration en cas de contrôle du dispositif d’activité partielle, leur défaut de production pouvant remettre en cause le versement des allocations perçues par l’employeur.

Qu’en est-il de l’indemnisation au titre de l’activité partielle ?

En 2020, aucun texte n’est venu préciser le régime d’activité partielle applicable. Compte tenu des régimes d’indemnisation coexistants (activité partielle de droit commun, activité partielle majorée applicable dans les secteurs les plus fragilisés), la question du niveau d’indemnisation à appliquer a pu donc se poser.

Un décret n° 2020-1786 du 30 décembre 2020 modifié par décret n°2021-89 du 29 janvier 2021 et n°2021-225 du 26 février 2021 met fin à cette incertitude en créant un régime spécifique d’indemnisation pour les personnes vulnérables à compter du 1er mars 2021.

A noter : Certaines catégories de travailleurs ne peuvent être placés en activité partielle, notamment les travailleurs non-salariés, les travailleurs indépendants, professions libérales, artistes auteurs. Pour ceux-ci, un décret n°2021-13 du 8 janvier 2021 a prévu qu’ils relèveraient d’un arrêt de travail dérogatoire ouvrant droit aux indemnités journalières de la sécurité sociale.

Un régime d’indemnisation incertain jusqu’au 1er avril 2021

A défaut de précision particulière, la doctrine considère qu’il s’agit du taux d’indemnisation applicable dans l’entreprise selon le secteur d’activité dont elle relève.

Rappel des règles applicables au mois de mars 2021
• Activité partielle de droit commun
– Indemnité perçue par le salarié : 70% de la rémunération
horaire brute de référence, limitée à 4,5 SMIC, avec un plancher horaire fixé à 8,11 €.
– Allocation perçue par l’employeur : 60% de la rémunération horaire brute de référence limitée à 4,5 SMIC (plancher horaire fixé à 8,11 €).

• Activité partielle dérogatoire pour les entreprises les plus impactées
– Indemnité perçue par le salarié : 70% de la rémunération horaire brute de référence, limitée à 4,5 SMIC, avec un plancher horaire fixé à 8,11 €.
– Allocation perçue par l’employeur : 70% de la rémunération horaire brute de référence limitée à 4,5 SMIC (plancher horaire fixé à 8,11 €).

La différenciation progressive de l’indemnisation du salarié et du remboursement de l’employeur par secteur d’activité aurait été susceptible de générer une différence de traitement de plus en plus marquée entre les entreprises et entre les salariés. C’est pour répondre à cette problématique qu’un régime unifié a été organisé pour l’avenir.

Un régime unique d’indemnisation applicable à compter du 1er mars 2021

A compter de cette date, un régime d’indemnisation unique s’appliquera aux employeurs des salariés en activité partielle pour « personne vulnérable ».

L’indemnité versée au salarié sera de 70 % de la rémunération horaire brute de référence retenue dans la limite de 4,5 SMIC (taux horaire minimum de 8,11 €), assurant ainsi au salarié concerné un revenu minimum d’au moins 84% de son net habituel.

L’employeur percevra une allocation égale à 60 % de la rémunération horaire brute de référence, limitée à 4,5 SMIC quel que soit son secteur d’activité. Le taux plancher sera de 7,30 €. 

L’entrée en vigueur de ce régime au 1er avril 2021 n’est pas anodine et correspond à la date à laquelle était prévue la baisse significative du niveau d’allocation versé dans le cadre de l’activité partielle de droit commun.

A propos de L'auteur

Audrey DUVERNEY-GUICHARD

Juriste conseil social

Audrey est juriste conseil social au sein d’In Extenso. Elle est spécialisée en Droit de la protection sociale.

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