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Une force de frappe financière pour les entreprises
Date de publication : 09.01.14
Pierre Mendès-France rappelait que tout problème n’est pas financier mais le devient nécessairement un jour. C’est évidemment le cas pour les entreprises, notamment les PME qui ont moins de solutions à leur disposition que les grands groupes. Avec la crise, les questions financières sont devenues plus aiguës encore qu’en période « normale » et la capacité à forger et à adapter une stratégie financière à la stratégie générale est devenue une des conditions essentielles de sa pérennité à moyen terme.
La particularité de la réglementation française envers les entreprises
A stratégie industrielle et commerciale constante, les « contraintes » financières qui pèsent sur les entreprises sont multiples. Il y a d’abord le modèle social français qui constitue bien une singularité par rapport à nos voisins. Les prélèvements sur les entreprises en proportion de la valeur ajoutée sont les plus élevés en Europe. Ils atteignent 18% contre 11% en Allemagne et 14% en Italie. La Cour des comptes a mis en relief la propension française à sous-taxer la consommation et à surtaxer le capital et le travail. A la tendance générale de nos voisins notamment en période de crise, à transférer le poids des prélèvements sur les ménages, nous optons pour leur prise en charge croissante par les entreprises. Ainsi les entreprises vivent dans un contexte général de fragilité financière structurelle comme en témoigne notre taux de marge (EBE/Valeur ajoutée) qui ressort à 28% en France contre 42% en Allemagne.
Le poids du capital dans le développement des entreprises françaises
Si l’on se limite aux contraintes financières de nature organique, à cela s’ajoute le poids des investissements et surtout celui des besoins en fonds de roulement (BFR), lesquels sont le talon d’Achille des PME. Il ne faut pas oublier dans une économie ouverte et concurrentielle le rôle décisif de l’innovation et de la conquête de marchés internationaux dont la contrainte sur les entreprises est de nature « capitalistique ». Ainsi les dépenses de R&D des entreprises françaises atteignent-elles 25 Md€ contre 50 Md€ pour les entreprises allemandes qui les financent à 70% sur fonds propres.
Notre pays est trop souvent celui du capitalisme sans capital où d’une manière paradoxale, se rejoignent ceux des chefs d’entreprise qui tendent trop souvent à sous-estimer les enjeux financiers de leur stratégie industrielle au nom d’une volonté de contrôle absolu de leur capital et les banquiers qui privilégient les interventions financières à court terme. Tendance bien sûr confortée par le poids très important des crédits fournisseurs. D’une certaine façon existent en France, un certain nombre de facteurs qui se cumulent pour entretenir une sorte de vulnérabilité financière structurelle des entreprises. Les plus fragiles sont en fait les PME de taille intermédiaires, celles dont les effectifs vont de 250 à 5.000 personnes. Dans ce domaine, la France compte environ un effectif d’entreprises inférieur de 50% à ce qu’il est en Allemagne. La différence représente 3 millions d’emplois.
Or la clé de la croissance et de la compétitivité à moyen terme repose sur l’accumulation de capital dans l’entreprise ce qui renvoie à la capacité des entreprises à construire un bilan fortement doté en ressources financières longues, notamment en fonds propres. Une stratégie financière se construit en prenant les besoins de l’entreprise comme point de départ et en aboutissant à la structure requise d’actionnariat. Non l’inverse.
Quelles options pour pérenniser l’activité économique
La première exigence bilancielle au-delà de celles qui concernent la rentabilité opérationnelle de l’entreprise, concerne la nécessité de pouvoir compter sur un fonds de roulement net (FRN) suffisant. On estime que le FRN doit couvrir au moins 60% des BFR. On peut satisfaire cette exigence d’adéquation au poids des BFR en augmentant les capitaux permanents, ce qui peut passer par un surcroît de fonds propres ou d’endettement à long terme. La limite du recours à l’endettement est généralement fixée à 2,5 à 3 fois l’excédent brut d’exploitation (EBE). Ce qui dans ce cas conduira au-delà de ce seuil à lever des fonds propres. Les craintes que certains chefs d’entreprise peuvent ressentir quand cette exigence s’impose à eux, peuvent être abordées de deux façons. La première est politique : une fonction critique dans l’actionnariat d’une entreprise a toujours un rôle bénéfique. Les chefs d’entreprise sont bien souvent seuls et doivent pouvoir partager leurs ambitions et leurs doutes avec des partenaires impliqués dans leur stratégie. La seconde est financière et juridique : l’ingénierie financière moderne fournit une bonne part des instruments qui permettent de faire droit aux objections de nombre d’entrepreneurs. Qu’il s’agisse de la répartition des plus-values futures, de la gestion du taux de participation direct dans le capital, ou de droits des investisseurs, la boîte à outils de l’ingénierie financière offre une palette de solutions qui permettent de faire droit aux exigences des dirigeants de PME. On peut citer toute la famille des titres dits hybrides combinant les caractéristiques des actions et des obligations ou l’arrivée des SAS avec la contractualisation, des relations juridiques avec les investisseurs. On peut ainsi parvenir à une personnalisation des instruments adaptés à la stratégie financière des entreprises. Dans ce type de considération, il faut souligner celle où le bon investisseur pour une entreprise est celui qui lui offre comme en stratégie nucléaire, une capacité de seconde frappe. C’est-à-dire la possibilité de lui fournir au-delà de l’investissement initial, les capitaux nécessaires pour faire face aux chocs qui peuvent l’atteindre – retournement conjoncturel, retard de production, disparation d’un client, etc… – ou répondre aux opportunités comme la possibilité de réaliser une acquisition.
C’est à en liant étroitement stratégie industrielle et financière que le dirigeant pourra enclencher l’enchaînement vertueux qui fait de l’exploitation à long terme de la totalité de son potentiel de croissance, le levier qui fera aussi de son entreprise le facteur le plus puissant parmi les classes d’actifs à sa disposition, de création de valeur patrimoniale.
A propos de L'auteur
Alain Fabre
Directeur Associé au sein d'In Extenso Finance & Transmission
Alain a une expérience complète en stratégies financières d’entreprises, fonds d’investissements et filiales de grands groupes.
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