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Prime de partage de la valeur (PPV) : le Boss nous donne ses consignes
Date de publication : 12.10.22
Annoncée mi-août comme imminente, l’instruction de l’administration est enfin parue… presque 2 mois plus tard (publication au bulletin officiel de la sécurité sociale le 10 octobre 2022). Nombre d’entreprises se sont déjà lancées sans attendre dans le versement de cette prime au régime social et fiscal très favorable pour répondre aux enjeux de pouvoir d’achat de leur personnel. Elles se sont fondées pour ce faire sur le texte publié et les précédents commentaires de l’administration sur les primes exceptionnelles de pouvoir d’achat.
Mais, dans cette nouvelle instruction, quels sont les apports sur le sujet, en quoi explicitent-ils ou, au contraire, complexifient-ils les modalités de recours à ce dispositif ? Analyse critique, à chaud, de ces nouvelles précisions.
Durée de l’accord ou de la décision unilatérale de mise en place
Le dispositif de la PPV étant désormais pérenne, l’administration confirme qu’un employeur a la possibilité de mettre en place un accord collectif ou une décision unilatérale couvrant une période supérieure à un an ou un exercice. Attention toutefois, et c’est logique, l’administration rappelle que dans ce cas, la condition d’intéressement/participation volontaire permettant de bénéficier d’un plafond d’exonération rehaussé doit être remplie pendant toute la durée de l’acte de mise en place.
Malgré cette confirmation de l’administration, et compte-tenu du contexte inflationniste, nous ne recommandons pas aux entreprises de s’engager pour l’instant dans un acte d’une durée supérieure à un exercice civil.
Modalités de consultation du CSE en cas de mise en place par décision unilatérale
L’administration renvoie aux modalités de consultation de droit commun dans les entreprises d’au moins 50 salariés (articles L.2312-14 à L.2312-16 CT), ce qui suppose de respecter les délais d’information préalable à la réunion et permet d’obtenir une décision tacite au-delà d’un certain délai après la réunion si celle-ci a été régulièrement menée.
Ce renvoi signifie-t-il que les entreprises de moins de 50 salariés ne seraient pas tenues de procéder à une telle consultation ? Une telle position beaucoup plus favorable aux petites entreprises ne résulte cependant pas du texte de loi. Il est regrettable que l’administration n’ait pas sur ce point plus explicité sa position. En l’attente de précisions plus claires, il est préférable de considérer que toutes les entreprises ayant un CSE doivent procéder à la consultation.
Régime social de faveur de droit commun (applicable aux salariés aux revenus supérieurs à 3 SMIC jusqu’au 31 décembre 2023, et à tous les salariés à compter du 1er janvier 2024)
Outre la CSG et la CRDS et éventuellement le forfait social, l’administration confirme que la taxe sur les salaires est également due. Cette position est logique compte-tenu de son alignement d’assiette sur la CSG.
Précisions relatives au versement d’une prime unique en plusieurs échéances sur l’année civile
Pour la première fois, la loi autorise expressément le versement de la prime en une ou plusieurs fois, dans la limite d’une fois par trimestre, au cours de l’année civile. L’administration vient apporter un certain nombre d’informations pour gérer cette situation qui génère des questions complexes.
Population éligible aux exonérations
Il s’agit principalement des salariés liés par un contrat de travail à une date donnée, qui peut être la date de dépôt de l’accord, la date de signature de la décision unilatérale ou la date de versement de la prime. Lorsque c’est la date du versement qui est retenue et que celui-ci a lieu en plusieurs fois, faut-il figer la date à l’un des versements (le premier) ou bien réapprécier la population éligible à chaque échéance ?
Malgré une formulation peu claire et sujette à débat, il semblerait que l’administration prenne plutôt position pour une date unique d’appréciation, qui serait celle du premier versement.
Gestion des entrées/sorties en cours de période de versement
Les salariés embauchés postérieurement à la date retenue pour fixer l’éligibilité des bénéficiaires ne sont pas éligibles aux versements effectués après leur arrivée.
A l’inverse, les salariés sortants avant la fin du complet paiement de la prime peuvent logiquement prétendre au paiement du solde. L’administration ouvre la possibilité aux entreprises, dans des termes là encore très ambigus, de verser le reliquat avec le solde de tout compte. Bien que contraire aux textes, cette solution présente certains avantages : elle permet aux entreprises de s’éviter d’avoir à verser une somme à un salarié sorti des effectifs, versement qu’il faudrait en outre accompagner d’un bulletin de paie complémentaire. A noter toutefois que si une entreprise s’engage dans cette voie, elle ne devra pas oublier de verser ce solde pour tout salarié éligible sortant. En tout état de cause, le risque URSSAF ou CPH en cas d’oubli est faible si le solde est bien versé aux mêmes échéances que les salariés présents.
Application des critères de modulation
La loi prévoit, comme précédemment, la possibilité de moduler le montant de la prime en fonction de critères limitativement énumérés : rémunération, classification, ancienneté dans l’entreprise, durée de présence effective ou durée du travail. L’appréciation de ces critères s’effectue à un instant t. Quand la prime est versée en plusieurs fois, les apprécie-t-on une seule fois pour toute ou à chaque échéance, et si une seule fois, à quelle date ? Malgré un rédactionnel administratif prêtant également à débat, il conviendra selon nous de les apprécier une fois pour tout à la date du premier versement.
Appréciation du plafond de 3 SMIC pour déterminer le régime social et fiscal applicable
La loi organise un régime social et fiscal encore plus favorable jusqu’au 31 décembre 2023 pour les salariés ayant perçu, au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, une rémunération inférieure à 3 SMIC annuels. En cas de paiement échelonné, cette condition doit-elle s’apprécier une fois pour toutes ou à chaque échéance ? C’est le seul sujet sur lequel l’administration prend clairement position : elle doit s’apprécier à la date du premier versement annuel de la prime, et reste donc figée pour l’ensemble des paiements ultérieurs.
En conclusion, en cas de versement d’une prime unique sous forme de paiements échelonnés, et malgré des tournures de phrases peu explicites, il nous semble que l’administration cautionne la fixation de l’ensemble des conditions (population éligible, application des critères de modulation, vérification de la condition des 3 SMIC) à une date unique qui serait fixée à la date de premier versement.
Date du dernier versement pour bénéficier du régime social et fiscal le plus favorable
Pour les salariés éligibles, le dernier versement doit intervenir effectivement au plus tard le 31 décembre 2023, et ce y compris pour les entreprises pratiquant le décalage de paie. Une exception est toutefois aménagée pour les entreprises de travail temporaires qui bénéficient d’un droit à différer temporairement le paiement lorsqu’elles répercutent une PPV versée dans l’entreprise utilisatrice jusqu’au 29 février 2024.
L’étendue de la sanction mériterait d’être précisée : est-ce que ce sera seulement le versement postérieur à la date fatidique qui ne bénéficiera pas du régime le plus favorable, ou bien l’ensemble de la prime versée ?
Mise en œuvre de la condition relative à l’épargne salariale pour bénéficier d’un plafond d’exonération rehaussé
L’administration apporte des précisions sur les modalités d’articulation entre épargne salariale et PPV pour bénéficier d’un plafond rehaussé (6.000 euros) d’exonération.
Malgré une certaine confusion dans la rédaction (opposition entre ce que l’on peut comprendre d’une part, du texte de loi, du point 3.1 et de l’introduction du chapitre 4, d’autre part, de l’introduction du chapitre 3 et du point 4.1, et enfin du point 4.5), on peut résumer l’articulation entre les deux dispositifs comme suit.
1. Le dispositif d’intéressement ou de participation volontaire doit produire ses effets au titre du même exercice que celui du versement de la PPV
Exemples :
Dans une entreprise A dont l’exercice est calé sur l’année civile, il faut qu’une formule de calcul soit susceptible de générer de l’intéressement (ou de la participation volontaire) au titre de l’année 2022 pour pouvoir verser une PPV sur 2022.
Dans une entreprise B dont l’exercice est calé du 1er juillet de l’année N au 30 juin de l’année N+1, il faut qu’une formule de calcul soit susceptible de générer de l’intéressement (ou de la participation volontaire) au titre de l’exercice courant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023 pour pouvoir verser une PPV entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023.
2. Le dispositif d’intéressement ou de participation volontaire doit avoir été conclu avant la date de versement de la PPV
Son dépôt auprès de l’administration peut quant à lui avoir lieu postérieurement au versement.
Exemples :
Dans l’entreprise A précitée, pour un versement de la PPV le 30 septembre 2022, il faut que le dispositif d’intéressement ou de participation volontaire ait été mis en place avant le 1er juillet 2022.
Dans l’entreprise B précitée, pour un versement de la PPV le 30 septembre 2022, il faut que le dispositif d’intéressement ou de participation volontaire ait été mis en place avant le 30 septembre 2022.
Comme auparavant, il est bien précisé qu’il n’est pas nécessaire que le dispositif d’épargne salariale donne lieu au versement effectif d’une prime pour qu’une PPV exonérée puisse être versée.
L’articulation des dispositifs qui résulte des précisions de l’administration est plus restrictive que celle qui résultait de la simple lecture des textes. Pour autant, par souci de sécuriser les exonérations applicables, il est recommandé de s’y tenir.
Modalités de neutralisation de la PPV pour le calcul de l’intéressement ou la participation volontaire
La neutralisation était déjà prévue en cas de mise en place d’un dispositif d’intéressement. L’administration précise toutefois qu’elle ne peut être mobilisée que par les accords conclus avant le 1er jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet. Cette précision signifie donc que, pour les dispositifs applicables au titre de l’année 2022, il n’est plus possible d’y ajouter la neutralisation de l’intéressement puisqu’il aurait fallu l’avoir prévu avant le 1er juillet 2022.
L’administration précise en outre que ce dispositif ne peut pas être utilisé s’agissant d’un dispositif de participation.
Inclusion de la PPV dans le revenu fiscal de référence
L’instruction confirme que la PPV doit être intégrée dans le revenu fiscal de référence. Elle devra donc être déclarée à l’administration fiscale par les entreprises, afin d’être prise en compte pour le calcul du droit au RSA (revenu de solidarité active), à la l’AAH (allocation aux adultes handicapés) et à la prime d’activité. Cette déclaration n’ajoutera toutefois pas de formalités supplémentaires aux entreprises puisque c’est via la DSN que l’administration fiscale sera informée.
PPV et exonérations applicables aux indemnités de rupture
Comme c’était le cas auparavant, l’administration prévoit que la PPV n’est pas incluse dans la rémunération servant d’assiette au calcul des indemnités de rupture du contrat de travail. Elle apporte désormais une nuance, en indiquant que toutefois, la prime peut entrer en compte dans l’assiette de rémunération servant à calculer l’indemnité de licenciement en application de la jurisprudence imposant de prendre en compte les primes récurrentes. Non seulement cette indication pourrait être considérée comme contestable, mais encore elle est suffisamment peu précise pour générer de nombreuses incertitudes…
Il est expressément indiqué désormais que la PPV n’est pas prise en compte dans le calcul des exonérations applicables aux indemnités de rupture du contrat de travail. Il s’agit d’une précision nouvelle et qui résulte probablement de l’intégration de la PPV dans le revenu fiscal de référence.
Suppression des précisions administratives sur le principe de non-substitution
Cette suppression peut s’expliquer par la complexité de détailler l’articulation entre les différents versements de PEPA et de PPV et ce principe. Pour autant, la confirmation que les versements de PPV ou PEPA ne sont pas à prendre en compte pour vérifier le respect de ce principe lors de versements ultérieurs aurait été bienvenu. Ce principe reste malgré tout applicable même si non éclairé par l’administration qui, par son silence, laisse une grande latitude d’appréciation aux agents de contrôle.
Suppression des précisions administratives relatives à l’articulation entre négociation annuelle obligatoire, mise en place de l’épargne salariale et la PPV
L’administration avait précisé pour les 3 PEPA que la négociation de la prime pouvait avoir lieu en même temps que les négociations annuelles obligatoires ou que les négociations portant sur l’accord d’intéressement (avec en dernier lieu l’obligation de la formaliser par un accord ou une décision unilatérale de l’employeur distinct de l’accord d’intéressement). Ces précisions ne sont pas reprises, mais nous paraissent toujours d’actualité.
A propos de L'auteur
Amélie Leport
Juriste conseil social
Amélie est manager en conseil social au sein d’In Extenso, elle travaille depuis 12 ans dans le domaine du droit du travail et de la protection sociale. Elle a exercé ces spécialités à la fois en entreprise et en tant qu’avocate.
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