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L’Administration fiscale fait trembler le monde de la promotion immobilière en France.
Date de publication : 19.06.12
L’Administration fiscale aura finalement créé, à l’occasion de l’établissement des comptes 2011, un séisme d’une magnitude probablement inattendue dans le secteur de la promotion immobilière.
A la suite d’un courrier adressé le 27 septembre 2011 à la Commission Fiscalité et Financement de la Fédération des Promoteurs Immobiliers de France, l’Administration crée le doute chez les professionnels comptables. Qu’il s’agisse des praticiens comme de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et même du normalisateur comptable, l’ANC, l’heure est à la prudence dès lors que les enjeux fiscaux et comptables occasionnés par la position menaçante de l’Administration sont très significatifs en termes de présentation des comptes et de détermination des résultats comptable et fiscal.
Le calendrier n’a pas non plus facilité les choses dès lors que la position de Bercy, malgré son importance, n’a pas eu de véritable retentissement avant fin 2011. Dans un courrier du 12 février 2012 adressé à la CNCC, l’ANC s’est dit incapable de se prononcer sur le sujet pour l’établissement des comptes 2011, reportant le chantier à une date ultérieure. Dans l’attente, l’ANC recommandait aux acteurs du secteur de la promotion immobilière la plus grande prudence en maintenant pour 2011 leurs pratiques comptables antérieures.
Comment l’Administration fiscale peut-elle remettre en cause des pratiques comptables ?
L’Administration condamne d’abord le traitement fiscal aligné sur les pratiques comptables des honoraires de commercialisation versés à des intermédiaires et des frais de publicité consistant à les différer dans le temps. Elle considère que la déduction de ces frais ne peut pas être différée jusqu’à la date de livraison des biens immobiliers mais qu’elle doit au contraire être appréhendée sur l’exercice au cours duquel ces frais sont devenus certains dans leur principe et dans leur montant.
L’Administration précise également dans son courrier sa lecture des textes comptables lorsque, d’une par elle fait référence à la définition des charges constatées d’avance dans le Plan comptable général (PCG) et d’autre part elle considère comme contradictoires les dispositions du plan comptable sectoriel s’agissant des honoraires de commercialisation et des frais de publicité avec les règles du PCG.
Si la critique par l’Administration des pratiques comptables peut à première vue apparaître comme surprenante et dénuée d’intérêt dès lors que sa compétence s’arrête à la matière fiscale, on comprend mieux sa manœuvre lorsque l’on sait qu’un traitement comptable s’impose au plan fiscal à partir du moment où il n’est pas incompatible avec une règle fiscale (art. 38 quater, annexe III du CGI).
Quels enjeux pour les entreprises du secteur de la promotion immobilière ?
L’enjeu est de taille : les entreprises du secteur de la promotion immobilière sont majoritairement restées fidèles à la lettre du plan comptable professionnel du secteur, approuvé par le CNC en 1984. Les règles sectorielles prévoient ainsi, via des mécanismes comptables, de reporter jusqu’à la date de livraison des biens immobiliers la constatation en charge des dépenses précitées.
Si ce traitement comptable n’a, à première vue, rien de choquant dès lors qu’il suit la logique de rattachement des charges aux produits, il est cependant critiquable depuis la réécriture du plan comptable en 1999 et surtout depuis les réformes comptables sur les passifs et les actifs (d’application respective en 2002 et 2005) qui ont initié un mouvement important vers une approche bilancielle (à l’instar des normes IAS/IFRS).
S’agissant des règles fiscales, les jeux sont faits et l’Administration encourage fortement les entreprises à coopérer. En effet, elle offre une sécurité fiscale maximale à celles qui se conformeraient dès 2011 à ses directives pour la détermination du résultat fiscal, en amnistiant en quelque sorte leurs pratiques fiscales passées (rescrit du 27 mars 2012). Ce changement n’a d’ailleurs pas nécessairement d’incidence sur les traitements comptables, l’ANC encourageant à l’inverse le maintien des pratiques antérieures.
Curieusement dans son courrier, l’ANC fait référence à des pratiques comptables pour le secteur de la promotion immobilière très divergentes d’une entreprise à une autre. Cette remarque laisse planer bien des interrogations sur l’interprétation que faisaient ces entreprises des textes comptables applicables. Finalement, l’intervention de l’Administration fiscale ne serait-elle pas une bénédiction pour remettre à plat les pratiques comptables du secteur et les rendre homogènes ?
Les travaux de l’ANC sur le sujet restent très attendus… une avancée de taille pour la comparabilité des comptes mais surtout pour l’image fidèle du patrimoine et du résultat des sociétés que ces comptes sont censés donner !
A propos de L'auteur
Miguel Hernandez
Expert-comptable commissaire aux comptes
Expert-comptable et commissaire aux comptes, Miguel est directeur technique du groupe In Extenso et responsable de l’activité Audit du groupe.
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