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Trajet des salariés itinérants : pourquoi ce n’est pas du temps de travail effectif ?
Date de publication : 14.05.19
Vous employez des salariés itinérants qui effectuent des déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites des clients ? Vous vous interrogez sur la nature et la rémunération de ce temps de trajet ? La jurisprudence a apporté des éclairages intéressants : le droit français s’applique, ce qui impose de prévoir des modalités de compensation pour le salarié, sans que ce trajet ne soit du temps de travail effectif. Explications.
La jurisprudence concernant le trajet des salariés itinérants
Dans un arrêt rendu le 30 mai 2018 (Cass. Soc., 30 mai 2018, n° 16-20.634), la Cour de cassation s’est prononcée sur le régime applicable aux temps de déplacement des salariés itinérants. En l’espèce, le salarié itinérant demandait :
- sa qualification en temps de travail ouvrant droit à rémunération, et en l’occurrence au paiement d’heures supplémentaires.
- une indemnisation au titre du non-respect des repos compensateurs et de la durée maximale hebdomadaire de travail.
À ce titre, il invoquait la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail qui prévoit en son article 2 que : « Aux fins de la présente directive, on entend par : 1. « temps de travail »: toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et / ou pratiques nationales; ». La Cour de cassation estime quant à elle que ces dispositions ne s’appliquent pas à la rémunération des salariés itinérants, qui relève exclusivement du droit national des États membres.
Le droit français et la rémunération des temps de trajet
En France, c’est l’article L. 3121-4 du Code du travail qui régit le traitement de ces temps de trajet : « Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire. » Ainsi, les juges du fond doivent seulement évaluer la conformité de la rémunération des temps de déplacement des itinérants, au regard du droit français.
Cet arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 mai 2018 confirme que, pour l’heure, les entreprises n’ont pas à craindre les conséquences d’une requalification des temps de trajet de leurs salariés itinérants en temps de travail effectif.
La presse s’était montrée particulièrement alarmiste à la suite d’un arrêt rendu sur le même sujet par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le 10 septembre 2015. Dans celui-ci, la Cour avait qualifié, au sens de la directive, de temps de travail le trajet de salariés itinérants espagnols, qui se rendent chaque jour directement de leur domicile sur leur lieu d’intervention, tout en précisant que « le mode de rémunération des travailleurs dans une situation telle que celle en cause au principal relève, non pas de ladite directive, mais des dispositions pertinentes du droit national » (CJUE, 10 sept. 2015, n° C-266/14).
Nous avions rédigé un article sur le sujet, en concluant notamment que « l’impossible interprétation contra legem du Code du travail devrait faire primer l’article L. 3121-4 du Code du travail sur l’article 2 de la directive 2003/88 interprété à la lumière de l’arrêt du 10 septembre 2015 ». L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 mai 2018 confirme donc notre analyse.
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La nature des temps de trajet du salarié itinérant
Il ressort de l’arrêt du 30 mai 2018 rendu par la Cour de cassation que :
- aux termes de l’article L. 3121-4 du Code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail (en l’espèce, auprès des clients) n’est pas du temps de travail effectif ;
- le temps de déplacement ne peut être additionné au forfait horaire hebdomadaire et, par voie de conséquence, pris en compte pour le calcul des durées quotidiennes et hebdomadaires maximales.
Les incidences pratiques
Pour l’heure, le temps de trajet des salariés itinérants n’est pas qualifié de temps de travail effectif par la Cour de cassation, à la différence de la position de la CJUE dans l’arrêt du 10 septembre 2015 – la directive de 2003 intégrant les notions binaires de « temps de travail » et « temps de repos ». En tout état de cause, relèvent du seul droit interne les modalités de rémunération de ces déplacements. En conséquence :
- il est inutile de modifier les pratiques de traitement du temps de trajet des itinérants ;
- il convient de garantir la compensation des trajets conformément à l’article L. 3121-4 du Code du travail.
Les règles de temps et de durée du travail peuvent ainsi paraître complexes de prime abord, c’est pourquoi nous tentons de vous aider à les comprendre. Vous voulez aller plus loin sur le sujet de la gestion du personnel ? Nous vous avons concocté un nouvel ebook !
A propos de L'auteur
Elodie Tabel-Diffaza
Directrice Marché Conseil Social et Paie
Spécialisée en droit social et droit de la protection sociale complémentaire, Elodie a rejoint le groupe In Extenso en 2008 en tant que Directrice Marché Conseil Social et Paie
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