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Le prélèvement à la source (PAS) : un outil de finances publiques en trompe l’œil ?
Date de publication : 25.05.18
Le prélèvement la source (PAS) entre officiellement en vigueur le 1er janvier 2019. Plus concrètement, c’est à la fin du mois de janvier 2019 que les salariés et les retraités vont en ressentir les effets lorsqu’ils percevront leur salaire ou leur pension de retraite. Car même si certaines entreprises se sont engagées dans une phase de préfiguration pour sensibiliser leurs salariés, quelques mois avant l’application effective du PAS (Prélèvement A la Source), sur les effets financiers de cette mesure, c’est bien la somme sonnante et trébuchante qu’ils percevront chaque fin de mois qui leur livrera l’envers du décor de ce dispositif.
La surprise sera de taille pour un grand nombre de contribuables puisque, par rapport au dispositif actuel de l’acompte mensuel, ce prélèvement conduira inexorablement à une baisse du pouvoir d’achat : le montant retenu sur le salaire ou la rente sera dans presque tous les cas bien supérieur au montant que le contribuable mensualisé avait l’habitude de voir prélevé sur son compte bancaire. Et lorsque tel ne sera pas le cas, ce sera parce que la retenue opérée par l’employeur sera doublée d’un prélèvement complémentaire sur le compte personnel du contribuable ! A la fin du fin, le contribuable va avancer de l’argent à l’Etat, c’est en tout cas le sort réservé à tous ceux qui bénéficient aujourd’hui de réductions ou de crédits d’impôt !
Les attentes annoncées de la mesure
Avec le prélèvement à la source, le gouvernement se targue de supprimer purement et simplement le décalage d’un an entre la perception des revenus et leur imposition. Le hic c’est que les employeurs et les autres organismes collecteurs deviennent, avec cette mesure, les collecteurs d’une partie de l’impôt sur le revenu, sans pour autant être indemnisés. Les entreprises s’emparent à compter de 2019 d’une mission de service public, en qualité de bénévoles forcés !
Ce dispositif est également annoncé comme une réforme réduite au seul sujet du recouvrement de l’impôt sur le revenu : aucun aménagement n’est prévu ni s’agissant des modalités de déclaration des revenus, ni sur le calcul de l’impôt : un jeu à somme a priori nulle mais où, finalement, l’Etat y gagnera là où les contribuables et les entreprises y perdront.
A lire : Comment se préparer à la mise en œuvre du prélèvement à la source ?
Une mesure complexe pour des effets à relativiser
Lorsque l’on décortique le dispositif du prélèvement à la source, celui-ci est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Tout d’abord, tous les revenus des contribuables ne sont pas soumis au prélèvement à la source : certains revenus, comme les plus-values et les dividendes, suivent le traitement fiscal actuel, conservant ainsi le décalage d’un an tant décrié.
Par ailleurs, le bénéfice de « l’année blanche » passe par un mécanisme d’octroi d’un crédit d’impôt (le CIMR) dont le calcul relève des formules de calcul complexes chères aux polytechniciens de Bercy. Cette mécanique doit permettre de ne rendre « blanc » que ce qui mérite d’être blanc aux yeux de l’Administration. Ainsi, pour ce qui concerne les dirigeants et chefs d’entreprises, ils sont tout simplement présumés tenter d’optimiser leur facture fiscale en jouant sur cette année blanche. Bercy a tout prévu pour les en dissuader : des mesures fiscales habillement ficelées ont été spécifiquement élaborées à leur intention au titre de « l’année blanche », conduisant purement et simplement à inverser la charge de la preuve sur la justification du niveau des revenus de 2018 les concernant qu’ils déclareront… et dans certains cas que les membres de leur famille déclareront.
- Si 2018 est une bonne année pour l’entreprise, le dirigeant devra le justifier s’il veut obtenir tous les bénéfices de l’année blanche, avec toujours le risque de voir l’Administration déclencher un contrôle fiscal à la moindre demande. Le dispositif mis en place promet de nombreux contentieux à compter de 2020, et ce jusqu’en 2022 puisque l’Administration s’est dotée d’une année supplémentaire pour contrôler les revenus de l’année 2018 !
Pour les autres contribuables, notamment les salariés, la chasse aux revenus exceptionnels de 2018 est ouverte !
Une « année blanche » a dû être instaurée au titre des revenus de 2018 pour que les contribuables n’aient pas à payer, en 2019, l’impôt à la fois sur les revenus 2018 et sur ceux de 2019. Si ce dispositif est logique dans son principe, il n’en est pas moins complexe dans son application car il regorge de nombreuses dérogations tendant finalement à taxer les revenus de 2018 considérés comme exceptionnels et ceux non impactés par le prélèvement à la source.
Erreur ou mensonge ?
La campagne de communication du gouvernement a longtemps visé à rassurer les contribuables soucieux de préserver la confidentialité de leurs revenus, autres que leur salaire, vis-à-vis de leur employeur, prévenant ainsi tout risque de discrimination. Le taux neutre est la réponse apportée par le gouvernement à cette problématique. Il aurait pourtant été plus honnête d’expliquer pourquoi le taux personnalisé, le cas échéant individualisé, calculé sur la base du dernier impôt connu, n’apportera finalement pas d’indice à l’employeur sur les autres revenus du foyer fiscal, plutôt que de promouvoir une solution trompeuse.
Un dispositif fiscal à ce point travaillé ne peut laisser penser que le positionnement actuel du taux neutre sur la grille des revenus est bien intentionné. Si le contribuable dispose d’un choix entre plusieurs taux, c’est un piège qui lui est tendu, un vrai miroir aux alouettes : le calcul du taux neutre, basé sur les revenus d’un célibataire sans enfant et sans charge particulière, sera d’un niveau généralement bien supérieur à celui du taux personnalisé. Les retenues seront donc majorées. Et dans l’hypothèse où ce taux deviendrait sur un mois donné (et oui, ce taux peut varier chaque mois en fonction du revenu mensuel !) inférieur au taux personnalisé, le contribuable devra venir compléter pour ce mois la retenue opérée par l’employeur par un versement complémentaire pour la différence !
En conclusion : fuyez le taux neutre arboré par le gouvernement et individualisez le taux personnalisé si vous faites l’objet d’une imposition commune ! La confidentialité de vos revenus ne sera pas entamée.
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Quelle morale donner à cette mesure ?
On peut s’interroger sur les véritables attendus de cette mesure. Sur le principe, le prélèvement à la source n’est pas critiquable en soi. La priorité donnée à cette réforme dans le calendrier présidentiel est déjà plus contestable, compte tenu du volume des réformes envisagées et du maigre bénéfice qui ressortira d’une réforme qui ignore les réelles simplifications qui auraient pu être apportées au regard du calcul de l’impôt.
Alors pourquoi cette réforme dans ce degré d’urgence ? La réponse probablement dans les modalités liées à sa mise en œuvre. En touchant un impôt collectant plus de 70 milliards d’euros chaque année, cette réforme va probablement permettre à l’Etat de collecter plusieurs milliards d’euros de trésorerie supplémentaire rien qu’en jouant sur les modalités définies pour la mise en œuvre du prélèvement à la source. Une incidence nulle sur l’impôt des contribuables mais la constitution d’un fonds de roulement qui va permettre à l’Etat de financer certaines mesures pour lesquelles le gouvernement cherche encore des ressources, et pourquoi pas celle visant à remplacer le CICE par un abaissement des charges sociales dont l’effet sera immédiat dès 2019 alors que des créances de CICE resteront encore à honorer sur les prochaines années.
On comprend mieux pourquoi le gouvernement n’a voulu se contenter de généraliser le dispositif actuel de l’acompte mensuel. Une belle leçon d’économie !
In Extenso propose différentes mesures d’accompagnement à ses clients, depuis les réunions d’information sur le PAS destinées aux chefs d’entreprises jusqu’à la présentation du dispositif aux salariés de ces entreprises. Une phase de préfiguration sera également proposée aux entreprises qui confient l’établissement de leur paie à In Extenso.
Pour les dirigeants d’entreprise, une présentation spécifique des mesures liées à l’année blanche est également envisageable, outre le suivi dans le temps du calcul de leur CIMR et leur accompagnement si nécessaire pour la mise en place des réclamations permettant d’optimiser le montant de ce crédit d’impôt relativement complexe.
A propos de L'auteur
Miguel Hernandez
Expert-comptable commissaire aux comptes
Expert-comptable et commissaire aux comptes, Miguel est directeur technique du groupe In Extenso et responsable de l’activité Audit du groupe.
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