Topo
Hôtellerie : tout savoir sur la TVA dans le cas de « No Show »
Date de publication : 24.05.24
Qu’est ce qu’un No Show ?
Cette expression est utilisée dans le monde hôtelier pour désigner le fait qu’un client ne s’est pas présenté le jour d’arrivée prévu. Le client n’avait pas prévenu l’hôtel qu’il souhaitait annuler sa réservation.
Ce phénomène de plus en plus fréquent engendre des conséquences financières non négligeables pour les hôteliers qui en sont victimes, car une chambre qui n’est pas vendue à la fin de la journée est définitivement perdue.
Très souvent les hôtels prennent des garanties au moment de la réservation, de différente manière :
- en réclament des arrhes à leurs clients,
- ou en demandant un prépaiement par carte bancaire, permettant de facturer tout de même le client qui ne s’est pas présenté, sans avoir pris la peine de prévenir l’hôtelier.
- Ou en proposant une tarification inférieure au prix habituel qualifié de « sommes non remboursables »
L’article L 214-1 du Code de la Consommation dit que :
Sauf stipulation contraire, pour tout contrat de vente ou de prestation de services conclu entre un professionnel et un consommateur, les sommes versées d’avance sont des arrhes en sens de l’article 1590 du code civil.
Dans ce cas, chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double.
La TVA s’applique-t-elle sur les Arrhes conservées par l’hôtelier ?
Jusqu’à une décision de la CJCE (Cour de Justice des Communautés Européennes), du 18 Juillet 2007, l’administration fiscale considérait qu’il y avait lieu de soumettre ces sommes à la TVA. Le contentieux, initié en 1992, par la Société Thermale d’Eugénie les Bains, qui percevait des arrhes des curistes au moment de la réservation des chambres. En cas d’annulation des réservations, elle conservait ces arrhes et considérait qu’il s’agissait d’indemnités versées en réparation du préjudice subi en raison de la défaillance des clients.
En conséquence, les sommes conservées n’avaient pas été soumises à TVA, ce que l’administration fiscale française contestait.
La cour après analyse approfondie des principes juridiques, a conclu que les Arrhes conservées constituaient une indemnité forfaitaire de résiliation destinée à réparer un préjudice subi en raison de la défaillance du client, sans lien avec un quelconque service rendu part cette dernière, sur le principe : « Sans Prestation, il ne peut y avoir de TVA ».
Outre la qualification juridique, les principes fiscaux distinguent l’exigibilité et le fait générateur. La TVA est considérée comme exigible dès l’encaissement des arrhes. Ainsi, la somme versée en juin 2022 pour un séjour prévu en août 2022, donne lieu à exigibilité dès le mois de Juin 2022. Néanmoins, en cas d’annulation, la prestation d’hébergement n’ayant pas eu lieu, il n’y a pas de fait générateur, lequel se définit comme l’exécution des services, en l’absence de prestation effectivement réalisée. Et sans fait générateur, il ne peut y avoir d’exigibilité de TVA.
L’analyse de la Cour, et la discussion paraissait close. C’était sans compter avec la ténacité de l’administration fiscale française, sur le sujet des BENU (Billets Emis Non Utilisés), considérés par les compagnies aériennes comme non soumis à TVA. La CJCE, par une décision de Décembre 2015, a considéré que ces billets était soumis à TVA, considérant que le passager achète un droit au bénéfice d’une prestation de transport, indépendamment du droit de celui-ci de l’utiliser. La prestation est considérée comme réalisée, dès lors que la compagnie met le passager en mesure de bénéficier de cette prestation.
A lire : Remboursement des PGE vs nécessité de financement des CAPEX dans le secteur hospitality
Mise à jour de la Doctrine Fiscale par un BOFIP en date du 11 mai 2022
Le BOFIP ( Bulletin Officiel des Finances Publiques ) est une documentation qui définit la doctrine de l’administration fiscale sur l’application des Textes du Code Général des Impôts.
La doctrine développé dans le document publié en Mai 2022, par l’administration, souligne l’articulation des deux de décisions de la CJCE, comme suit :
- Sont soumis à TVA tous les montants appliqués par les Opérateurs d’une prestation, y compris au titre des facultés de dédit ménagées au client et conservés par l’opérateur en cas de non-fourniture de du service. Ces montant étant à distinguer des sommes ayant pour seul objet la réparation d’un préjudice, qui elles ne sont pas soumises à TVA.
- Les principes dégagés par ces jurisprudences ne sont pas limités aux secteurs de l’hôtellerie ou du transport aérien
- La qualification au regard de la TVA d’une somme non remboursable ne dépend pas du comportement individuel du client (notamment quand le client ne se présente pas)
Les Indemnités soumises à la TVA
A titre illustratif, le BOFIP précise les sommes considérées comme la contrepartie d’un service :
- Les sommes qui peuvent s’analyser comme la contrepartie d’une faculté de dédit par l’acquéreur : Tel est le cas en particulier, des sommes pouvant s’analyser comme s’intégrant à une politique tarifaire de l’opérateur visant à moduler le prix de la prestation en fonction d’une plus ou moins grande souplesse de renonciation par le client.
- Le prix de capacités réservées non utilisées et non remboursables, tels par exemple que la réservation de chambre d’hôtels, de visites, d’activités, de carnets de tickets de cinémas
- Les sommes conservées par les compagnies de transport de personnes au titre de billets non utilisés
Les Indemnités non soumises à la TVA
En revanche, la doctrine rappelle que les indemnités qui sont de véritables dommages & intérêts, qui ne font que sanctionner l’inexécution d’une obligation ( C.Civil art 1217 ) ne constituent pas la contrepartie d’opérations imposables à la TVA. En pratique, il est donc admis que les arrhes versées en application de l’article 1590 du code civil ne soient pas incluses dans la base d’imposition.
Attention : La doctrine mis à jour souligne :
- Que la jurisprudence porte sur les sommes conservées par l’assujetti qui peuvent s’analyser comme la réparation d’un préjudice
- Ce qui n’est pas le cas, lorsque la somme est égale au prix à payer au titre de la prestation ou lorsqu’il n’y a pas de préjudice
- La Jurisprudence ne peut porter, sur les sommes non remboursables, y compris inférieurs au prix
Décision de la Cour administrative d’appel de Paris du 10 Juin 2022
Le cas récent d’un contentieux sur un hôtel dans le sud de la France, qui conserve les sommes versées par les clients lorsque ces derniers ne se présentent pas sans avoir informé l’hôtel de leur défection. En pratique, lors de la réservation, le client paye le prix total de son séjour. Considérant que les sommes ainsi conservées constituent des indemnités forfaitaires en parfaite conformité avec la jurisprudence communautaire de 2007 relative au secteur hôtelier, la société ne soumet pas ces sommes à la TVA.
L’administration fiscale conteste cette analyse et considère que les sommes en cause constituent la rémunération d’une prestation de services en s’appuyant sur la jurisprudence communautaire de 2015, relative au transport aérien.
La décision surprenante de la Cour d‘appel de Paris repose notamment sur les faits relevés dans cet établissement, à savoir :
- Le paiement d’une prestation qui n’est finalement pas consommée ne peut s’apparenter à la réparation d’un préjudice, lorsque le prestataire a reloué à un tiers la chambre réservée par le client défaillant.
- Le paiement de la prestation totale en cas de client défaillant ne peut être assimilée à des arrhes, au sens des dispositions de l’article 1590 du C.Civil.
De plus, si la chambre réservée est finalement utilisée par un autre client, l’hôtel serait dans l’obligation de collecter à deux reprises la TVA :
- Une première fois sur la réservation non honorée au taux normal (20 %), puisque cette prestation ne peut être qualifié de « Prestation d’hébergement »
- Une deuxième fois sur la prestation d’hébergement qui bénéficie du no show du client défaillant au taux réduit (10 %)
Le BOFIP de Mai 2022 vient préciser les contours de l’application ou non de la TVA en cas de No Show, notamment en fonction de la politique tarifaire du Prestataire, et l’existence ou non d’un préjudice pour l’hôtelier de la défaillance de son client.
Il y a lieu de remarquer que les politiques tarifaires pratiquées par bon nombre d’opérateurs ont tendance à s’uniformiser autour de « Prestations Non remboursables «, et que les tarifs proposés mentionnant la notion d’arrhes ont tendance à se raréfier.
Il parait donc important de relire ses « CGV « (conditions générales de vente), avant de décider de l’imposition ou non à la TVA de ces No Show.
On observe également que l’administration fiscale au vu de sa doctrine récente et des contentieux qui sont menés en parallèle par ses services, a tendance à durcir les conditions d’exonération de la TVA, à des cas très particuliers et forcément réduits.
Il y a donc lieu de rester très prudent, dans l’attente de la confirmation ou non de la décision de la Cour d’appel de Paris.
A propos de L'auteur
Christian Bardet
Responsable Ligne de marché Hôtellerie
Christian est responsable de la ligne de marché Hôtellerie Expertise Comptable du groupe In Extenso
Vous avez aimé cet article, vous avez une question ? Laissez un commentaire