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Actions gratuites: un levier juridique et financier pour récompenser les salarié(e)s
Date de publication : 05.06.24
Vous avez probablement déjà entendu parler des options de souscription ou d’achat d’actions (stock-options) ou des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSCPE). Ces instruments juridiques ne sont pas réservés à la dernière start-up à la mode ou au monde des sociétés multinationales cotées sur les marchés financiers. Ce sont en réalité des mécanismes de partage de la valeur qui peuvent aussi être utilisés au sein de votre structure pour récompenser l’implication de vos salarié(e)s dans le développement de votre société.
A l’heure où les dirigeants d’entreprises doivent rivaliser d’imagination afin d’attirer les talents mais aussi fidéliser et motiver leurs salarié(e)s, cadres ou non, le droit des sociétés propose, lui aussi, des outils destinés directement ou non à participer à cet intéressement.
La tendance est en effet actuellement à l’émergence d’une fonction salariée hybride. L’actionnariat salarié va venir se superposer aux fonctions opérationnelles classiques visées par le contrat de travail (ou dans certains cas, le mandat social pour les dirigeants). Faire partie de l’aventure entrepreneuriale et avoir « une part du gâteau » est une motivation grandissante des salarié(e)s des entreprises les plus florissantes.
Le droit français s’est doté, avec l’article 83 de la loi 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, d’un nouvel instrument d’intéressement des salarié(e)s au capital : les attributions gratuites d’actions (AGA). Si le régime juridique des « AGA » est largement inspiré de celui des options de souscription ou d’achat d’actions, il s’en distingue cependant sur un point essentiel : l’AGA ne suppose aucune prise de risque financière pour la personne qui en est bénéficiaire dans la mesure où il n’y a aucun versement à effectuer. L’opération consiste ainsi à allouer gratuitement au(à la) bénéficiaire une participation au capital de la société.
Le régime juridique des AGA puise ses origines dans des dispositions législatives et n’est pas issu d’une technique purement contractuelle. Par des interventions successives, le législateur est venu assouplir progressivement ce régime juridique afin de rendre le dispositif plus attractif.
Actions Gratuites : A qui et comment les attribuer ?
Toutes les sociétés par actions peuvent attribuer gratuitement des actions à leurs salariés ou à leurs dirigeants. Cela vise ainsi aussi bien les sociétés anonymes que les sociétés par actions (y compris à associé unique avant ouverture au capital) ou les sociétés en commandite par action (même si cette structure est moins utilisée de nos jours).
Ce sont les associés réunis en assemblée générale extraordinaire (ou l’associé unique pour le cas des SASU) qui ont la possibilité d’autoriser l’attribution d’AGA au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d’entre eux. L’AGA peut ainsi être réservée par exemple aux salariés justifiant d’une durée minimale d’ancienneté ou encore aux salariés exerçant une fonction spécifique au sein de la société. A ce titre, et même si la loi laisse une véritable liberté aux associé(e)s pour fixer les critères d’attribution, il n’en demeure pas moins que l’enjeu sous-jacent de l’attribution des AGA conduit à fixer des critères objectifs et adossés à une vraie réflexion entrepreneuriale. En effet choisir certain(e)s salarié(e)s conduit de facto à se poser la question de ne pas en retenir d’autres. Un tel choix peut entraîner à rebours a minima des interrogations des personnes non retenues ou un désintérêt. De cette façon les critères posés doivent être choisis avec une certaine acuité par rapport au projet de développement de l’entreprise, aux souhaits d’évolution des salarié(e)s retenu(e)s, de leur compréhension de ce qu’exige la qualité d’associé en suivant.
C’est ici l’un des avantages des AGA. Les bénéficiaires sont identifiés dès l’origine. Il est ainsi tout à fait possible de prévoir que le bénéficiaire de l’AGA doit toujours faire partie de l’effectif salarié au jour de l’attribution des actions. Le président du conseil d’administration, le directeur général de SAS, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire, ou les gérants s’il s’agit d’une SCA, peuvent eux aussi bénéficier de l’attribution gratuite d’actions.
Un plafond global incitatif
L’assemblée fixe le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué, étant ici précisé que le nombre total des actions attribuées gratuitement ne peut excéder 15% du capital social à la date de la décision de leur attribution (il était antérieurement de 10 % jusqu’en 2023).
Par dérogation, pour certaines sociétés bénéficiant de la qualification de PME européennes (effectif inférieur à 250 salariés et total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros ou chiffre d’affaires hors taxes n’excédant pas 50 millions d’euros), les statuts peuvent prévoir un pourcentage plus élevé qui ne pourra toutefois pas dépasser 20 % du capital.
Cet encadrement par le législateur du nombre de titres émis vise à préserver les équilibres entre les salarié(e)s, les investisseurs et les dirigeants et ainsi minimiser l’effet de dilution au capital induite par l’AGA.
Ce pourcentage peut être porté à 30 % lorsque l’AGA bénéficie à des salarié(e)s de la société représentant au moins 50% du personnel salarié de cette société et au moins 25% du total des salaires bruts pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations de sécurité sociale et versés lors du dernier exercice social.
Lorsque l’AGA est dite « démocratique » et bénéficie à l’ensemble des salariés, le plafond global d’attribution est de 40%.
Contrairement à d’autres dispositifs tels que le plan d’épargne d’entreprise, l’AGA n’a pas à être collective. Ceci signifie que rien n’interdit de prévoir une attribution inégalitaire sous réserves de quelques contraintes à respecter.
Un plafond individuel par attributaire sécurisant
L’AGA n’est pas un moyen pour transférer le pouvoir sur une société à des personnes désignées.
Une AGA ne peut être octroyée aux salariés et aux mandataires sociaux possédant plus de 10 % du capital social à la date de la décision d’attribution et ne peut pas non plus avoir pour effet que ceux-ci détiennent chacun plus de 10 % du capital.
Depuis le 1er décembre 2023, pour contrôler si ce plafond individuel de 10% de détention du capital par un salarié ou un mandataire social est atteint, ne sont pris en compte que les titres de la société détenus directement depuis moins de 7 ans par ce salarié ou ce mandataire social. Auparavant, la totalité des titres était prise en compte. Ce plafond est donc désormais « rechargeable ».
L’AGA au sein des groupes de sociétés – quel intérêt ?
Une AGA peut également être décidée au sein d’un groupe de sociétés. Les actions peuvent ainsi être attribuées aux salarié(e)s des sociétés ou des GIE dont 10 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société qui initie l’AGA ou si ces sociétés ou GIE détiennent 10 % au moins du capital ou des droits de vote de la société qui attribue les actions. Ce schéma permet ainsi de valoriser les salarié(e)s pour leur participation sur l’ensemble d’un groupe et non nécessairement de façon isolée société par société. Ce mécanisme présente ainsi un véritable intérêt dès lors que vous structurez votre (ou vos) activité(s) au sein d’un groupe intégré ou non.
Depuis le 1er décembre 2023, des actions peuvent être attribuées aux mandataires sociaux d’une société dont 10% au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société qui attribue les actions.
Vous souhaitez mettre en place des actions gratuites. Par quoi commence-t-on ?
Avant de procéder à l’émission, il est nécessaire de faire une véritable analyse des avantages et contraintes du processus par rapport à l’entreprise, ses actionnaires/associé(e)s et salariés, son environnement, ses perspectives. Cet audit, aura pour but à terme d’identifier les forces et faiblesses du projet et de fixer les conditions de l’éventuelle émission retenue à terme. Il n’est pas rare qu’à l’issue de cet audit, l’opération soit abandonnée au profit d’un autre projet. Ce n’est pas un échec en réalité. L‘AGA n’est pas une démarche qui convient automatiquement à toutes les entreprises, à toutes les stratégies d’entreprises et cela n’est pas toujours évident à mesurer au préalable. Cela passe par ailleurs par une valorisation de l’entreprise. En effet, proposer l’entrée au capital à des salariés n’a de sens que si l’on est en mesure d’en déterminer l’avantage et inconvénient futur (quand bien même il serait hypothétique). Au même titre qu’on investit en bourse en lisant un prospectus d’information, l’entrée au capital ne se fait pas à l’aveugle ni pour les actionnaires/associé(e)s, ni pour les dirigeants, ni pour les salarié(e)s. Une fois l’audit et les critères fixés, il est possible de lancer le processus opérationnel.
L’assemblée générale extraordinaire, ou l’associé(e) unique a la compétence pour décider d’attribuer gratuitement des actions avec ou sans délégation au dirigeant pour la réaliser.
L’assemblée générale va autoriser l’organe dirigeant à procéder à l’AGA. Cette autorisation peut être utilisée pendant un délai qui doit être fixé par l’assemblée et qui ne peut pas être supérieur à 38 mois.
Par cette seule décision, les actionnaires/associé(e)s renoncent nécessairement à leur droit préférentiel de souscription. L’assemblée va fixer l’ensemble des modalités de l’émission des actions (durée, nombre, modalités et critères d’attribution).
La durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation ne peut pas être inférieure à deux ans. Cette période obligatoire d’acquisition ainsi que la période facultative de conservation, s’inscrivent dans l’esprit du dispositif, qui est de fidéliser le bénéficiaire de l’AGA.
Et ensuite, comment se déroule l’attribution des actions ?
S’il l’estime opportun, le dirigeant peut décider de ne pas faire usage de l’autorisation qui lui a été donnée par l’assemblée générale extraordinaire. Cependant lorsque les conditions de l’AGA, déterminées par l’assemblée, sont suffisamment complètes et précises, cette décision constitue un engagement unilatéral pour la société. Dès lors, sa suppression ou une modification des caractéristiques essentielles de l’opération ne peut intervenir qu’avec l’accord des bénéficiaires des actions gratuites.
Il est très important de prévoir précisément les modalités conditionnant l’AGA et de prévoir éventuellement dès l’origine une clause résolutoire. En effet, compte tenu des durées de la délégation de compétence au dirigeant et de la période d’acquisition des titres, la société n’est pas à l’abri d’une modification substantielle de la règlementation en vigueur, notamment sur le plan fiscal et social, venant alourdir le coût de l’opération.
L’AGA peut être réalisée :
- via une émission d’actions nouvelles
- ou par attribution au bénéficiaire d’actions auto-détenues.
La société doit avoir la capacité de livrer les titres aux attributaires à l’issue de la période d’acquisition c’est-à-dire à tout le moins de supporter le coût nominal des titres. Elle doit prendre ainsi toutes les dispositions nécessaires pour remplir cette obligation. Ceci peut se traduire par exemple par la constitution d’un compte spécial de réserves indisponibles destiné à être incorporé à terme au capital lors de l’émission des titres nouveaux. Il peut aussi être intéressant de subordonner la réalisation de l’AGA à la possibilité, pour la société, d’acquérir des actions existantes. Ou encore conditionner l’opération à l’existence de réserves suffisantes pour procéder in fine à l’augmentation de capital nécessaire lors de l’émission d’actions nouvelles. En tout état de cause, il faudra faire en sorte que la réalisation de cette condition ne dépende pas de la seule volonté de la société sous peine de nullité.
C’est la société qui supporte le coût des actions gratuites attribuées contrairement aux mécanismes de stock-options et BSPCE qui viennent simplement figer le coût d’acquisitions des titres pour les titulaires des options ou des bons. Mais en réalité ce sont avant tout et surtout les actionnaires/associé(e)s historiques qui supportent ce coût au moment de leur dilution. En effet, le capital n’est pas augmenté par un apport d’argent frais en contrepartie de l’émission des titres. Ces actions sont créées sur les fonds propres de la société et à périmètre constant de trésorerie. Dès lors les associés présents avant l’attribution gratuite se voient automatiquement dilués dans leurs droits par le simple effet de l’émission des actions gratuitement remises aux bénéficiaires. Cela nécessite là aussi de la pédagogie à leur égard pour ne pas créer de frustration à terme par suite de la mise en place du mécanisme.
Aucune forme particulière n’est imposée pour l’information des attributaires. Cette information peut être faite par tous moyens. La société émettrice peut ainsi adresser un document aux attributaires les informant de l’attribution qui leur est faite et indiquant les conditions de l’opération. Cette information prend généralement la forme d’un « règlement du plan d’attribution » signé par chaque partie afin que la société se ménage la preuve de l’information ainsi réalisée. Il est néanmoins recommandé d’organiser une vraie stratégie de communication en amont de l’attribution pour expliquer la stratégie de développement, les critères de choix à l’aune de cette stratégie, le coût de l’opération pour la société et les actionnaires/associé(e)s dilués…
Pendant la période d’acquisition des titres, les attributaires n’en sont pas propriétaires et ne disposent donc pas des droits attachés aux actions et notamment du droit aux dividendes. Ils disposent d’un droit de créance sur la société qui leur est personnel mais ne peuvent céder leur qualité d’attributaire de l’AGA.
L’attribution des actions à leurs bénéficiaires va devenir définitive au terme de la période d’acquisition dont la durée minimale, qui ne peut être inférieure à un an, est déterminée par l’assemblée générale extraordinaire. L’assemblée peut cependant prévoir une attribution définitive des titres avant le terme de la période d’acquisition en cas d’invalidité du bénéficiaire le rendant absolument incapable d’exercer une profession quelconque. L’AGA se rapproche ici du système de prévoyance pour le(la) salarié(e). A ce titre, elle est un outil de stabilité en induisant que les attributaires restent salariés pendant la période d’attribution avant de devenir réellement associé(e) à l’issue de la période.
Si l’attributaire décède en cours de la période d’acquisition, les héritiers pourront demander l’attribution des actions dans un délai de six mois à compter du décès.
Si l’ensemble des salariés sont bénéficiaires de l’AGA, les titres peuvent être transférés sur un plan d’épargne d’entreprise dans la limite d’un montant égal à 7,5 % du plafond annuel de la sécurité sociale par adhérent. La répartition des actions entre les salariés doit faire l’objet d’un accord d’entreprise ou, en cas d’échec des négociations, d’une décision du conseil d’administration, du directoire ou du chef d’entreprise. La répartition peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice ou proportionnelle aux salaires ; elle peut aussi combiner ces différents critères. Les actions gratuites ne sont disponibles qu’à l’expiration d’un délai minimal de cinq ans à compter de leur versement sur le plan d’épargne d’entreprise.
Au terme de la procédure d’attribution, le(la) salarié(e) va devenir un(e) actionnaire/associé(e) à part entière avec l’ensemble des droits attachés aux actions. Il pourra prétendre à sa quote-part des bénéfices générés par la société dès lors qu’une distribution de dividende sera décidée en assemblée générale. Il jouira également de droits politiques puisqu’il pourra participer aux assemblées générales et voter les résolutions proposées à l’assemblée. Il bénéficiera du droit de communication lié à la qualité d’actionnaire/associé(e), ce qui se traduit notamment par une reddition annuelle des comptes sociaux.
Une contrainte de taille à ne pas négliger : les bénéficiaires seront actionnaires à l’avenir
Comme tout mécanisme d’ouverture du capital, les bénéficiaires se verront ainsi attribuer des droits importants au sein de la Société. Il conviendra d’étudier minutieusement l’impact de l’opération, notamment s’agissant des décisions supposant un vote unanime des actionnaires/associé(e)s. Il est tout à fait envisageable de prévoir par exemple une émission d’actions de préférence sans droit de vote, sous réserve du respect des conditions d’émission de ce type de titres. Rappelons qu’il convient de bien noter qu’ils seront des associés comme les autres, avec les mêmes droits et les mêmes obligations. Cela suppose ainsi que les actionnaires/associé(e)s historiques aient conscience qu’ils vont partager une partie du pouvoir de décision avec des associés, minoritaires certes, mais qui ont voix au chapitre lors des décisions annuelles ou exceptionnelles. A cet égard, toute entrée au capital de salarié doit être accompagnée de mécanismes de sauvegarde dans un pacte d’actionnaires/associé(e)s. ils ne sont pas des sous-actionnaires/associé(e)s. En effet, il serait risqué et inconsidéré de procéder à une entrée au capital de salarié(e)s sans anticiper a minima leur éventuelle sortie (en cas de licenciement, en cas de rupture conventionnelle, en cas de décès …) et les outils nécessaires pour ne pas rendre impossible une sortie capitalistique (clause de sortie conjointe et/ou forcée en cas de vente), ce d’autant plus qu’ils ont été choisis au regard de certaines critères (capacité particulière sur un projet déterminé, nécessaire à l’évolution de l’entreprise, des compétences techniques ou opérationnelles sélectionnées, un profil particulier…).
En cas d’émission de titres nouveaux, l’attribution des actions va se traduire pour la société émettrice par une augmentation de son capital social. Ceci supposera une mise à jour des statuts de la société et la réalisation de mesures de publicité (parution dans un journal d’annonces légales et dépôt d’un dossier au Registre du commerce et des sociétés).
L’assemblée générale peut décider d’adosser à la période d’acquisition des titres une durée minimale de conservation qui court à compter de l’attribution définitive des actions. Toutefois, et à l’instar des dispositions prévues pour la période d’acquisition, les actions sont librement cessibles en cas d’invalidité du bénéficiaire le rendant absolument incapable d’exercer une profession quelconque. En cas de décès du bénéficiaire, les actions dont les héritiers ont demandé l’attribution sont elles aussi librement cessibles.
Quand bien même les titres seraient incessibles, l’attributaire des actions n’en reste pas moins propriétaire. Il acquiert la qualité d’associé dès l’attribution définitive des actions.
A l’issue de la période de conservation, les titres deviennent disponibles et peuvent ainsi être cédés. Si le bénéficiaire de l’AGA est dirigeant au sein de la société, il sera utile de prévoir une interdiction de céder les titres attribués ou avoir une obligation de conservation d’une quantité minimale d’actions jusqu’à cessation de ses fonctions pour assurer la continuité de l’entreprise.
Un régime fiscal et social de faveur encadré incitatif
Les avantages tirés de l’AGA devraient théoriquement être considérés comme un salaire et donc imposés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires. Toutefois, un régime fiscal de faveur a été institué par la loi de finances pour 2005 du 30 décembre 2004.
L’application de ce régime de faveur est soumise aux conditions suivantes :
- l’attribution doit être décidée en assemblée générale extraordinaire et respecter les conditions légales d’attribution (notamment s’agissant des personnes pouvant bénéficier d’une AGA) ;
- le plafond global et le plafond individuel d’attribution doivent être respectés;
- la société doit fixer la durée de la période d’acquisition (un an au minimum sauf en cas d’invalidité du salarié).
Si les conditions ainsi posées sont remplies, le plan d’attribution est dit « qualifiant » et le salarié peut bénéficier d’un régime avantageux. A défaut, la valeur des titres attribués est soumise à impôt sur le revenu comme le serait un salaire.
Le régime fiscal de faveur va permettre au bénéficiaire de se voir attribuer les titres en franchise d’impôt au jour de l’acquisition des actions. Le fait générateur de l’impôt naîtra au jour de la cession des titres. Le gain d’acquisition, c’est-à-dire l’avantage tiré de l’attribution gratuite, est imposé au titre de l’année de cession des titres, que ce soit à titre gratuit ou onéreux, selon des modalités qui varient selon la date d’attribution.
Par souci de simplification, nous envisagerons seulement ici le régime des AGA autorisées depuis le 1er janvier 2018.
Pour les opérations autorisées par l’assemblée générale extraordinaire depuis cette date, le gain d’acquisition qui n’excède pas une limite annuelle de 300 000 euros est imposé selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu après application d’un abattement de 50 %.
S’il s’agit d’un dirigeant partant à la retraite et sous les conditions exposées à l’article 150-0 D ter du Code général des impôts, un abattement fixe de 500 000 euros va trouver à s’appliquer et, pour le surplus, il sera fait application d’un abattement de 50 %. L’abattement fixe va s’imputer en priorité sur la plus-value de cession et ensuite sur la plus-value d’acquisition pour la fraction supérieure à 500 000 euros.
Le gain d’acquisition est assujetti aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine sans aucun abattement.
La part du gain supérieure au seuil de 300 000 euros est imposée au barème progressif de l’impôt comme un salaire, sans abattement, et soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus d’activité.
S’agissant de la plus-value de cession, qui correspond à la différence entre le prix de cession et la valeur des titres au jour de l’acquisition, elle sera imposée selon le régime des plus-values mobilières (article 80 quaterdecies, V du Code général des impôts) c’est-à-dire que l’on va venir appliquer le prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 % ou, sur option globale du contribuable, la plus-value de cession sera soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu. La plus-value est également assujettie aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au taux de 17,2 %.
Si une moins-value de cession est réalisée, elle sera déduite du montant du gain d’acquisition.
En cas d’option pour le barème progressif, un abattement pour durée de détention va s’appliquer aux cessions des titres, qui s’élèvera à 50 % du gain net pour les titres détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de la cession et à 65 % pour les titres détenus depuis au moins huit ans. Là aussi, le droit français va privilégier une détention des titres à long terme.
Pour la société émettant les titres, elle pourra déduire de son résultat imposable les charges subies du fait de l’attribution des actions gratuites (article 217 quinquies, I-alinéa 1 du Code général des impôts). Si l’AGA porte sur des titres auto-détenues, la société va devoir, dès la décision d’attribution, constituer une provision qui sera déductible du résultat imposable, à due concurrence de la moins-value subie lors de la remise des actions à l’issue de la période d’acquisition.
Sur le plan social, le gain d’acquisition sera exonéré, sous conditions, de cotisations sociales., sous certaines conditions strictes néanmoins. La société devra notifier à l’URSSAF (via notamment la DSN) l’identité des salarié(e)s ou dirigeants dont des actions gratuites ont définitivement été attribuées au cours de l’année civile précédente, ainsi que le nombre et la valeur des titres attribués à chacun d’eux à la date d’expiration de la période d’acquisition. À défaut de déclaration conforme, la société sera tenue de payer la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part ouvrière.
Le gain d’acquisition est soumis à la CSG et à la CRDS au moment de la cession des actions. Il sera soumis pour la part n’excédant pas 300 000 euros à la CSG et à la CRDS sur les revenus du patrimoine, ainsi qu’au prélèvement de solidarité au taux global de 17,2 %. Pour la fraction supérieure au seuil de 300 000 euros, il sera fait application de la CSG et la CRDS sur les revenus d’activité, au taux global de 9,7 %, sans application de la déduction pour frais professionnels.
Les AGA seront soumises :
- à une contribution patronale spécifique (article L 137-13 du Code de la sécurité sociale). Le taux de cette contribution est fixée à 20 % de la valeur des actions attribuées, appréciée à la date de leur acquisition, exigible le mois suivant la date d’acquisition des actions par le bénéficiaire.
Le texte prévoit toutefois une exonération de cette contribution pour les PME au sens de l’annexe à la recommandation 2003/361/CE, c’est-à-dire, pour rappel, les sociétés employant moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros, sous différentes conditions (non distribution de dividendes, réglementation de minimis…).
- à une contribution salariale spécifique prévue à l’article L 137-14 du Code de la sécurité sociale. Cette contribution va venir s’appliquer à la fraction du gain d’acquisition excédant 300 000 euros, qui est imposée à l’impôt sur le revenu au régime des traitements et salaires. Le taux de cette contribution est de 10 % de la valeur des actions gratuites à la date de leur acquisition. Elle est payable l’année suivant celle de la cession des titres.
En conclusion
L’intéressement est un aspect primordial de l’attractivité d’une entreprise. Les mécanismes juridiques d’ouverture du capital participent à la fidélisation des talents et permettent de faire face à la problématique du turn-over. Face à l’essor des BSPCE, l’AGA demeure néanmoins un mécanisme juridique peu usité mais dont l’avantage majeur pour son bénéficiaire réside dans la philosophie même du dispositif : la gratuité et donc aucune prise de risque financier.
Le coût de l’AGA pour la société attributrice constitue cependant un obstacle non négligeable à la démocratisation de ce dispositif. Mais cet outil juridique ne manque pas d’atouts, notamment fiscaux et sociaux. Par des réformes successives, le législateur est venu assouplir les conditions de réalisation de ces opérations afin d’inciter à son usage.
L’AGA est un message fort et valorisant à destination des salarié(e)s, contribuant à aligner les motivations des dirigeants et des salarié(e)s pour un partage de la valeur réussi.
Dans cette optique, il conviendrait pour les entreprises en croissance de bien s’informer sur les différents instruments d’ouverture du capital. Chaque dispositif a ses avantages et ses inconvénients et l’un n’est pas exclusif de l’autre. La récompense des talents peut ainsi se traduire par la mise en place d’un paquet global incluant AGA, BSPCE et stock-options.
A propos de L'auteur
Cyril Vanhoove
Manager juridique
Cyril Vanhoove est manager juridique au sein de l’agence de Villeurbanne en région Auvergne-Rhône-Alpes. Il intervient auprès des chefs d’entreprises en droit des sociétés et droit des affaires.
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