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Personnes vulnérables : retour sur site sauf exceptions
Date de publication : 26.10.21
Le dispositif d’activité partielle pour personnes vulnérables institué par l’article 20 de la loi n°2020-473 du 25 avril 2020 est en l’état actuel des textes, mobilisable jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard.
Rappelons qu’en vertu de ce texte, sont placés en position d’activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler, notamment lorsqu’un salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire.
Compte tenu du développement massif de la couverture vaccinale sur le territoire national et des recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique dans son avis 11 mai 2021, le Ministère du travail annonçait dans un communiqué de presse diffusé le 9 septembre dernier, les conditions de reprise en présentiel des personnes vulnérables à compter du 27 septembre 2021.
Le régime ainsi annoncé a été formalisé par décret n° 2021-1162 du 8 septembre 2021, lequel fixe le champ d’application, désormais restreint, de l’activité partielle pour personnes vulnérables, applicable à compter du 27 septembre 2021. Le décret n°2020-1365 du 10 novembre 2020 organisant le régime antérieur à cette date est en conséquence abrogé.
Restriction des salariés concernés par l’activité partielle pour personnes vulnérables depuis le 27 septembre 2021
Sur la base de l’avis rendu par le Haut Conseil de la Santé Publique, le décret n°2021-1162 du 8 septembre 2021 définit les conditions dans lesquelles il est toujours possible de bénéficier de l’activité partielle pour les personnes vulnérables.
Trois cas de figure sont désormais envisagés.
Hypothèse 1: salariés vulnérables affectés à un poste de travail susceptible de les exposer à de fortes densités virales
Pour en bénéficier, les salariés doivent remplir 3 conditions cumulatives (ces critères doivent être appréciés par un médecin et donner lieu à un certificat médical, lequel peut le cas échéant faire l’objet d’un contrôle par la médecine du travail à la demande de l’employeur):
- remplir l’un des critères de vulnérabilité suivants :
- être âgé de 65 ans et plus ;
- avoir des antécédents (ATCD) cardiovasculaires ;
- avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;
- présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale ;
- présenter une insuffisance rénale chronique sévère ;
- être atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
- présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;
- Etre atteint d’une immunodépression congénitale ou acquise, non sévère : – médicamenteuse : chimiothérapie anticancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ; – infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ; – consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;
- être atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;
- présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;
- être au troisième trimestre de la grossesse ;
- être atteint d’une maladie du motoneurone, d’une myasthénie grave, de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de paralysie cérébrale, de quadriplégie ou hémiplégie, d’une tumeur maligne primitive cérébrale, d’une maladie cérébelleuse progressive ou d’une maladie rare ;
- être atteint de trisomie 21.
- être affectés à un poste de travail susceptible de les exposer à de fortes densités virales : le texte n’apporte pas de précisions supplémentaires mais dans son avis du 11 mai 2021, le Haut Conseil de la Santé Publique cite des exemples tel que service hospitalier de 1ère ligne, secteur Covid-19, poste en contact avec le public sans mesures de protection collectives et individuelles suffisantes.
- ne pas pouvoir, ni recourir totalement au télétravail, ni bénéficier des mesures de protection renforcées : celles-ci sont précisées à l’article 2 du même décret, il s’agit de :
- l’isolement du poste de travail ;
- le respect, sur le lieu de travail et en tout lieu fréquenté par la personne à l’occasion de son activité professionnelle, de gestes barrières renforcés ;
- l’absence ou la limitation du partage du poste de travail ;
- le nettoyage et la désinfection du poste de travail et des surfaces touchées par la personne au moins en début et en fin de poste ;
- l’adaptation des horaires d’arrivée et de départ et des éventuels autres déplacements professionnels (éviter les transports en commun pendant les heures d’affluence) ;
- la mise à disposition par l’employeur de masques de type chirurgical en nombre suffisant pour couvrir les trajets entre le domicile et le lieu de travail lorsque la personne recourt à des moyens de transport collectifs.
Hypothèse 2 : salariés sévèrement immunodéprimés
Sont visés, les salariés remplissant les 2 conditions cumulatives suivantes (ces critères doivent être appréciés par un médecin et donner lieu à un certificat médical, lequel peut le cas échéant faire l’objet d’un contrôle par la médecine du travail à la demande de l’employeur):
- Salariés sévèrement immunodéprimés du fait qu’ils se trouvent dans l’une des situations suivantes :
- avoir reçu une transplantation d’organe ou de cellules souches hématopoïétiques ;
- être sous chimiothérapie lymphopéniante ;
- être traités par des médicaments immunosuppresseurs forts, comme les antimétabolites et les AntiCD20 ;
- être dialysés chroniques ;
- au cas par cas, être sous immunosuppresseurs sans relever des catégories susmentionnées ou être porteur d’un déficit immunitaire primitif.
- Ne pas pouvoir recourir totalement au télétravail.
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Hypothèse 3 : salariés vulnérables justifiant d’une contre-indication médicale à la vaccination
Pour en bénéficier, les salariés doivent remplir 3 conditions cumulatives :
- répondre à l’un des critères de vulnérabilité précités, lequel doit être apprécié par un médecin (certificat médical, lequel peut le cas échéant faire l’objet d’un contrôle par la médecine du travail à la demande de l’employeur) ;
- justifier, par la présentation d’un certificat médical, d’une contre-indication à la vaccination ;
- ne pas pouvoir recourir totalement au télétravail.
Modalités pratiques de recours à l’activité partielle
Les justificatifs à produire
Le placement en activité partielle requiert en toute hypothèse, l’avis d’un médecin, lequel prendra la forme, selon le communiqué précité du Ministère, d’un certificat d’isolement délivré par un médecin.
Selon ce communiqué, il peut s’agir du médecin de ville ou du médecin du travail, lesquels peuvent par ailleurs être amenés à échanger pour apprécier plus finement les conditions de travail.
Par ailleurs, le salarié vulnérable justifiant d’une contre-indication médicale à la vaccination devra produire le certificat médical correspondant.
Le placement en activité partielle
Compte tenu du champ d’application réduit de l’activité partielle pour personnes vulnérables, nous vous invitons à être particulièrement attentifs et à ne maintenir l’activité partielle au-delà du 27 septembre 2021 qu’auprès des seuls salariés éligibles.
Il est à ce titre essentiel de collecter les justificatifs susvisés et d’exiger en tout état de cause, la production d’un nouveau certificat d’isolement.
A défaut, la DREETS sera fondée à réclamer le remboursement des allocations indûment versées.
Les modalités d’indemnisation
Depuis le 1er avril 2021, un régime d’indemnisation unique est applicable et sans reste à charge pour l’employeur, ainsi :
- l’indemnité due aux salariés correspond à 70 % de la rémunération horaire brute de référence retenue dans la limite de 4,5 SMIC (taux horaire minimum d’environ 8,30 euros hors alternants depuis le 1er octobre 2021, correspondant à la rémunération mensuelle minimum) ;
- le montant de l’allocation remboursée à l’employeur correspond à 70 % de la rémunération horaire brute de référence, limitée à 4,5 SMIC (taux horaire minimum de 8,30 euros hors alternants depuis le 1er octobre 2021).
Pour les autres salariés vulnérables, un retour en présentiel accompagné
Rappelons que certains salariés vulnérables n’ont pas été amenés à revenir en présentiel, depuis parfois, le début de la crise sanitaire. Dans ce contexte, il nous semble essentiel de procéder à l’accompagnement et à la sensibilisation de ces salariés sur les mesures d’hygiène et de sécurité à respecter dans l’entreprise.
A noter que dans le communiqué précité de début septembre, le Ministère du Travail a recommandé d’accompagner les salariés vulnérables de retour en présentiel dans les conditions suivantes:
« Conformément à cet avis [du HCSP], la reprise de l’activité professionnelle des personnes « vulnérables » est désormais possible, y compris en présentiel, sous réserve de veiller à l’application de mesures de protection particulières : -Bureau individuel ou dispositifs limitant les risques (ex : écran de protection, aménagement des horaires) ; -Vigilance particulière quant au respect des gestes barrières ; -Absence, ou à défaut limitation, du partage du poste de travail et nettoyage et désinfection de ce dernier au moins en début et en fin de poste ; -Mise à disposition par l’employeur de masques de type chirurgical en nombre suffisant pour couvrir les éventuels trajets dans les transports en commun entre le domicile et le lieu de travail ; -Possibilité d’aménager les conditions de trajet domicile-travail, notamment par l’adaptation des horaires d’arrivée et de départ.
Les employeurs sont invités à préparer les conditions nécessaires d’aménagement de poste ou d’activité pour ces personnes possiblement éloignées de l’emploi depuis plusieurs mois, en lien avec la médecine du travail qui peut également proposer de maintenir le télétravail au cas par cas. »
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Focus sur les stocks de congés non pris
Etat de la problématique
Par principe, le salarié placé en activité partielle continue d’acquérir des congés payés (article R122-11 du code du travail).
En conséquence, les salariés placés en situation d’activité partielle de longue date et notamment certains salariés vulnérables ont généré des reliquats de congés payés importants.
Pour les salariés de retour en présentiel, les entreprises ont intérêt à se saisir rapidement de la problématique et de convenir avec les salariés concernés de la meilleure manière de les écouler progressivement, au besoin en recourant à du report (dépassement de la date légale de prise des CP).
Pour les salariés continuant de bénéficier de l’activité partielle dans le nouveau régime décrit ci-dessus, la question se pose de savoir si l’employeur peut imposer à ces salariés de poser leurs congés dans les semaines/mois à venir.
Notre réponse
Rappelons que la détermination des dates de congés constitue une prérogative de l’employeur découlant de son pouvoir de direction.
En l’absence de stipulations conventionnelles, la période de prise des congés ainsi que l’ordre des départ sont ainsi fixés par l’employeur après avis du CSE et communiqués aux salariés au moins 1 mois avant les dates de départ prévues (article L.3141-16 du C. du travail).
Selon nous, la jurisprudence rendue par la Cour de cassation privilégiant la première cause de suspension du contrat (voir notamment Cass., Soc., 28 septembre 2011, n° 09-70.612) n’est pas applicable dans cette hypothèse, pour les raisons suivantes:
- Tout d’abord, aucune jurisprudence rendue dans le cas particulier du concours entre activité partielle et congés payés n’a à notre connaissance jamais été rendue;
- Ensuite, le dispositif d’activité partielle pour personnes vulnérables est mobilisable depuis mai 2020 et devrait être prolongé au plus tard jusqu’au 31 juillet 2022 d’après le projet de loi portant diverses mesures de vigilance sanitaire. L’accumulation d’un stock de congés payés pendant cette période ne semble ni tenir compte des contraintes de gestion liées à l’entreprise ni conforme à l’esprit du dispositif. Rappelons en effet que l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 avait assoupli les règles applicables en matière de pose des CP en période de crise sanitaire afin de limiter le recours à l’activité partielle ;
- la finalité assignée au congé annuel n’est pas remise en cause dès lors que le salarié, placé en activité partielle à des fins de prévention, est en capacité de profiter du repos qui lui est accordé, contrairement à un salarié placé en arrêt de travail pour se rétablir d’une incapacité de travail qui ne pourrait pas en profiter (cf. motivations de l’arrêt de la CJUE relatif report des congés payés du salarié malade pendant ces derniers, CJUE 21 juin 2012, Aff. C-78/11).
Il conviendra enfin de rappeler que le salarié se trouve mieux indemnisé en congés payés que lorsqu’il est placé en activité partielle (cf. indemnisation susvisée).
A ce titre, l’on peut d’ailleurs légitimement se demander si un dispositif d’indemnisation spécifique, à l’image de l’aide à la prise des congés payés mise en place en janvier 2021 auprès des secteurs les plus touchés (décret n°2020-1787 du 30 décembre 2020), ne mériterait pas d’être réitérée afin d’accompagner les entreprises concernées.
A propos de L'auteur
Audrey Duverney-Guichard
Juriste conseil social
Audrey est juriste conseil social au sein d’In Extenso. Elle est spécialisée en Droit de la protection sociale.
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