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Entreprise en difficulté : le point sur les procédures collectives (COVID-19)
Date de publication : 27.07.20
L’épidémie de coronavirus a fortement impacté l’activité des entreprises. Prenant acte de ce contexte tendu, le gouvernement a aménagé les règles relatives à la gestion de leurs difficultés financières. Il a promulgué des ordonnances le 27 mars 2020 (ordonnance n° 2020-341) et le 20 mai 2020 (Ordonnance n° 2020-596) qui portent notamment sur l’adaptation des règles relatives aux entreprises en difficulté et modifient certaines dispositions de procédure pénales dans ce contexte d’urgence sanitaire. Elles facilitent également l’adoption et l’exécution des plans de sauvegarde et de redressement judiciaire et modifient les procédures applicables aux situations irrémédiablement compromises.
Ces ordonnances ont des conséquences importantes pour toute entreprise en difficulté pouvant directement bénéficier de ces mécanismes protecteurs, ainsi que pour leurs dirigeants. Ces mesures visent plusieurs volets importants des textes du livre VI du Code de Commerce applicables en matière de procédure collective.
Les délais en matière de cessation des paiements
La période d’application de l’ordonnance n°2020-341, du 12 mars au 24 août 2020, a fait l’objet d’une prorogation. Toute entreprise en difficulté dispose désormais d’un délai de 3 mois à compter de la fin de l’état d’urgence (10 juillet 2020) pour déclarer l’état de cessation des paiements sans s’exposer aux sanctions prévues dans le texte original du Code de Commerce.
L’état de cessation des paiements, c’est-à-dire l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est le point charnière de l’ouverture d’une procédure collective (redressement et liquidation judiciaire). L’état avéré de cessation des paiements interdit l’accès aux procédures de sauvegarde, plus favorables au dirigeant personne physique qui s’est porté caution de créances de son entreprise. La déclaration de l’état de cessation des paiements est obligatoire et doit être faite auprès d’un tribunal dans les 45 jours de sa survenance.
L’ordonnance du 27 mars 2020 prévoit ainsi une extension de son délai de déclaration par le gel de la période du 12 mars au 24 août 2020. L’entreprise en difficulté ne sera alors pas fautive pour avoir tardé à déclarer l’état de cessation des paiements.
Grâce à cette nouvelle disposition, une entreprise qui a vu sa situation se dégrader depuis le 12 mars 2020 et ce jusqu’à trois mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, mais qui n’était pas en état de cessation des paiements à cette période peut toujours bénéficier d’une procédure de mandat ad hoc sauvegarde judiciaire, ou d’une procédure de conciliation, pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire majorée de trois mois.
Il est nécessaire de préciser que cette disposition n’exclut pas la possibilité de solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire si l’état de cessation des paiements est apparu après le 12 mars 2020. Dans ce cas, vous pourrez opter pour ces procédures, et ainsi faire bénéficier vos salariés de la prise en charge de leurs salaires par Le Régime de Garantie des Salaires (AGS).
Simplification des procédures de conciliation
Les pouvoirs publics ont décidé de favoriser le traitement préventif des difficultés des entreprises en renforçant l’efficacité de la procédure de conciliation. Pour mémoire, lorsqu’une entreprise est en difficulté juridique, économique ou financière, et qu’elle ne se trouve pas en état de « cessation des paiements » (c’est-à-dire dans l’impossibilité de faire face à ses dettes avec sa trésorerie et ses réserves de crédit) depuis plus de 45 jours, elle peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation. L’objectif de cette procédure est de réussir à conclure un accord de règlement à l’amiable entre l’entreprise et ses principaux créanciers, associés, cocontractants, etc. destiné à mettre fin à une ou plusieurs difficultés.
La procédure de conciliation en période « normale » est ouverte par le président du tribunal qui désigne un conciliateur pour une période ne pouvant pas excéder une durée de 4 mois et peut être prorogée d’1 mois (soit l’équivalent de 5 mois maximum). Cependant l’Ordonnance prévoit que toute conciliation ouverte avant la date du 25 août 2020 est automatiquement prolongée de plein droit d’une durée égale à la durée de l’état d’urgence sanitaire (à savoir 2 mois) majorée de 3 mois. Il est donc tout particulièrement intéressant de profiter de cette prorogation. Par exemple, une conciliation qui a été ouverte le 30 avril 2020 pourra ainsi durer jusqu’au 30 février 2021.
Aussi et à titre exceptionnel, il est également possible d’ouvrir une nouvelle procédure de conciliation sans respecter le délai « normal » de trois mois à l’issue de la première conciliation.
Extension de la durée des plans de sauvegarde et de redressement
Pour rappel, la procédure de sauvegarde est une procédure préventive qui vise à permettre à l’entreprise de traiter ses difficultés via l’adoption d’un plan de sauvegarde, lui permettant de continuer son activité, de maintenir l’emploi et d’apurer ses dettes. Le mandataire judiciaire doit recueillir, individuellement ou collectivement, l’accord de chaque créancier ayant formulé sa créance, lorsque la proposition de plan porte sur les délais et remises de dettes.
Et, pour repréciser le propos, une entreprise en difficulté éligible à la procédure de sauvegarde est celle qui, sans être en état de cessation des paiements justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter. Le Covid-19 a malheureusement provoqué, outre une pandémie sanitaire planétaire, une cascade de problèmes économiques qui seront sans doute les supports faciles des demandes d’ouverture de sauvegarde.
L’ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020 prévoyait la possibilité de prolonger la durée d’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. L’ordonnance du 20 mai 2020 repousse encore davantage cette durée maximale, ils peuvent être désormais prolongés dans la limite de 5 mois et ce jusqu’au 23 août 2020.
Sur demande du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan, le tribunal peut prolonger la durée du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire pour une durée maximale de 2 ans, avec adaptation des remboursements annuels sur la nouvelle période (minimum 5 % du passif). Par ailleurs, la durée maximale d’un plan de sauvegarde ou de redressement est portée, en cas de modification importante, à 12 ans, voire même à 17 ans lorsque l’entreprise exerce une activité agricole.
Ces mesures s’appliquent depuis le 22 mai 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus et aux procédures en cours. Ceci pour permettre aux entreprises de respecter les engagements pris dans le cadre du plan.
Concernant la vente de l’entreprise
Jusqu’au 24 juin 2020, étaient prolongées de plein droit la durée des périodes d’observation, des plans, des poursuites d’activité en cas de liquidation et des procédures de liquidation simplifiée (art. 2 II 1°de l’ordonnance).
Par ailleurs, au cours de la période expirant à la fin de la période d’état d’urgence + 3 mois, autrement dit jusqu’au 24 août 2020 en l’état, les organes de la procédure peuvent demander au Président du Tribunal de proroger « les délais qui sont imposés à ces derniers » pour une durée équivalente à la période d’état d’urgence + 3 mois, soit 6 mois et 12 jours.
Aussi, jusqu’à maintenant, une entreprise ne pouvait être cédée ni à un dirigeant ou parents. Cette interdiction ne s’applique plus désormais depuis le 22 mai 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020 puisque dès lors que la vente est en mesure d’assurer le maintien des emplois, elle peut être demandée par le débiteur lui-même ou l’administrateur judiciaire au Tribunal.
A propos de L'auteur
Michel Oriol
Expert-comptable Associé
Michel est un expert-comptable associé au groupe In Extenso. Il suit en direct ses clients dans la gestion de la période d’observation et la mise en place du plan de continuation ou de cession.
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