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Zoom sur l’Accord de Performance Collective
Date de publication : 16.11.20
Parmi les mesures phares des « ordonnances Macron » de 2017, l’accord de performance collective tient une place particulière dans la pratique de la négociation collective.
Il permet à l’employeur d’aménager certaines dispositions du contrat de travail relatives à la durée du travail, à la rémunération, et à la mobilité professionnelle pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise, ou en vue de préserver ou de développer l’emploi.
Début 2020, la ministre du Travail se félicitait de son succès avec la signature de 256 accords de performance collective dont 158 concernant les petites et moyennes entreprises, soit une moyenne de 10 accords signés par mois (discours du 8 janvier 2020 de Muriel Pénicaud devant l’Assemblée Nationale).
En cette période de crise sanitaire mettant en difficulté de nombreuses entreprises, l’accord de performance collective peut constituer l’un des outils de préservation de l’activité de l’entreprise. Il peut être conclu même en l’absence de délégué syndical, dans le respect de certaines conditions.
Tour d’horizon de ses modalités de mise en œuvre et conséquences sur les contrats de travail…
Qu’est-ce que l’Accord de Performance Collective ?
Créé par l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, l’accord de performance collective s’est substitué aux :
- accords de maintien de l’emploi ;
- accords de préservation et ou développement de l’emploi ;
- accords de mobilité interne.
Défini à l’article L.2254-2 du Code du travail, l’accord de performance collective permet d’imposer aux salariés des dispositions contraires ou incompatibles avec leurs contrats de travail portant sur:
- L’aménagement de la durée, des modalités d’organisation et de répartition du travail ;
- L’aménagement de la rémunération dans le respect des salaires minima hiérarchiques ;
- Les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
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Sur quoi les entreprises peuvent-elles négocier ?
L’accord de performance collective apparaît comme un outil de flexibilité permettant à l’employeur de s’adapter aux évolutions du marché. Il peut donc s’avérer particulièrement pertinent dans le contexte économique bouleversé par la gestion de la crise sanitaire.
En pratique, les aménagements envisageables sont nombreux :
- Augmentation de la durée du travail sans augmentation proportionnelle du salaire ;
- Réduction de la durée du travail sans compensation salariale ;
- Modification de la structure des rémunérations ;
- Gel d’augmentations programmées ;
- Baisse de la rémunération mensuelle sans que le salaire puisse être inférieur aux minimas imposés par l’accord collectif de branche.
En revanche, le dispositif de modification du forfait en heures ou en jours ne nécessite pas de convention individuelle de forfait.
Quelques exemples de clauses
Les objectifs poursuivis sont variés, il peut s’agir de :
- fluidifier la trésorerie
- mieux maîtriser la masse salariale,
- procéder à une réorganisation de l’entreprise en vue d’assurer son fonctionnement optimal.
En toute hypothèse, les aménagements introduits pour répondre à ces objectifs sont souvent assortis d’engagements de la part de l’entreprise de manière à favoriser l’adhésion des salariés.
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Quels sont les éléments figurant dans l’Accord de Performance Collective ?
S’il n’est pas nécessaire de justifier de difficultés économiques pour conclure un tel accord, le préambule doit en revanche définir les objectifs poursuivis dans le cadre de cette démarche (article L.2254-2 II du Code du travail).
A ce titre, il appartient à l’employeur d’expliquer que le ralentissement, voire l’arrêt de l’activité durant la crise sanitaire, a fragilisé la situation financière de l’entreprise, et que le recours à de telles mesures est justifié par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité et de maintenir des salariés dans l’emploi.
Cet accord peut également préciser :
- Les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l’examen de la situation des salariés au terme de l’accord ;
- Les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés, les mandataires sociaux et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant toute sa durée;
L’absence d’engagement de l’employeur ne remet pas en cause la validité de l’accord. Ceci étant, il semble difficile de faire accepter aux partenaires sociaux des concessions aux salariés en l’absence d’engagements réciproques de la part de l’employeur.
- Les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés ;
Les aménagements issus de l’accord peuvent avoir des conséquences importantes sur l’organisation des salariés concernés, par exemple lorsqu’il s’agit d’introduire une clause de mobilité professionnelle.
- Les modalités d’accompagnement des salariés ainsi que l’abondement du compte personnel de formation;
- La durée de l’accord.
Il appartient aux parties de déterminer la durée de cet accord. Il peut être conclu à durée déterminée ou à indéterminée. En l’absence de précisions, cette durée est fixée à 5 ans. La conclusion d’un accord à durée déterminée pourrait faciliter l’adhésion par les partenaires sociaux et les salariés, les clauses de l’accord étant de nature temporaire et n’ayant pas vocation à se substituer définitivement aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail.
- Une clause de rendez-vous peut par ailleurs être prévue dans l’accord afin de convenir d’une date à laquelle les parties pourront éventuellement renégocier les termes de l’accord.
Quelles sont les conditions de validité de l’accord de performance collective ?
L’accord de performance collective est conclu dans les conditions de droit commun des accords collectifs.
- En présence d’un délégué syndical
L’accord est signé par un ou plusieurs délégués syndicaux ayant recueilli au moins
50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
A défaut, l’accord est signé par un ou plusieurs délégués syndicaux ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés, sous réserve d’une validation de l’accord par référendum à la majorité simple.
- En l’absence de délégué syndical
L’accord doit ensuite faire l’objet d’un dépôt auprès de l’Administration. Toutefois il n’a pas à être publié sur les bases de données nationales compte tenu des informations confidentielles qu’il est susceptible de contenir.
Quelles sont les conséquences pour les salariés ?
Les dispositions de l’accord de performance collective se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles des contrats de travail des salariés y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Toutefois, comme pour toute modification du contrat de travail, l’accord du salarié est requis.
Il est recueilli dans le cadre d’une procédure spécifique: le salarié dispose d’un délai d’un mois à compter de la date à laquelle il a été informé de l’existence, du contenu de l’accord, et de son droit de l’accepter ou de le refuser pour faire connaître par écrit sa décision à l’employeur.
Dans l’hypothèse où le salarié refuse que les dispositions de l’accord lui soient appliquées, l’employeur peut engager une procédure de licenciement dans un délai de 2 mois à compter de la notification du refus du salarié. Ce licenciement « sui generis » repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Dans ce cas, le salarié licencié bénéficie d’un abondement minimum de 100 heures de son compte personnel de formation (article R. 6323-3-2 du Code du travail).
L’épidémie de Covid-19 a impacté l’activité de nombreuses entreprises tant sur le plan économique qu’organisationnel, impliquant des adaptations nécessaires de leur fonctionnement.
L’accord de performance collective avec ses « supers pouvoirs » sur le contrat de travail leur offre dans ce contexte une certaine souplesse dans la gestion de leur personnel en leur permettant de passer par la voie collective pour faciliter les modifications individuelles des contrats de travail.
Reste toutefois que des modifications trop défavorables seraient, d’une part, refusées par les partenaires sociaux, d’autre part, mal vécues par les salariés. Pour que le recours à ce dispositif ne vienne pas tendre le climat social dans l’entreprise, il est important que l’employeur soit très pédagogique sur l’enjeu de l’accord, montre que les efforts ne reposent pas uniquement sur le personnel et accompagne les sacrifices demandés aux salariés de contreparties à plus long terme.
A propos de L'auteur
Audrey Duverney-Guichard
Juriste conseil social
Audrey est juriste conseil social au sein d’In Extenso. Elle est spécialisée en Droit de la protection sociale.
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