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La procédure de reconstitution des capitaux propres évolue

Date de publication : 17.03.23

Gestion de sociétéJuridiqueRedressementArtisan - commerçant - TPEPME

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Till Jouaux

Depuis le 11 mars 2023, la procédure de reconstitution des capitaux propres qui vise certaines sociétés commerciales, a évolué. 
Pour rappel cette procédure vise les SARL (L223-42 Ccom), les SA (L225-248 Ccom), les SAS (par renvoi de L227-1 Ccom) et les SCA (par renvoi de L226-1 Ccom). 
  
Rien ne change s’agissant des mesures à prendre à la suite de la constatation de pertes qui rendent les capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social : les associés de ces sociétés doivent toujours décider dans les 4 mois qui suivent l’approbation des comptes qui ont fait apparaître cette perte « s’il y a lieu à dissolution anticipée de la société« . 
  
En revanche deux changements ont été apportés par la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 à la procédure de reconstitution des capitaux propres dans le délai de deux ans lorsque la société a décidé de poursuivre son activité plutôt que d’être dissoute : le premier s’applique à toutes les sociétés visées tandis que le second ne s’applique qu’aux sociétés dépassant certains seuils. 

Option entre la réduction du capital et la reconstitution des capitaux propres (pour toutes les sociétés visées)

Les nouveaux articles prévoient désormais, pour les sociétés ayant décidé de poursuivre leur activité, l’obligation soit de reconstituer leurs capitaux propres à une valeur au moins égale à la moitié du capital social, soit de réduire leur capital à un montant permettant aux capitaux propres d’atteindre la moitié de ce montant, et ce au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue.   

En pratique la différence ne saute pas aux yeux puisque les anciens articles prévoyaient, pour les sociétés ayant décidé de poursuivre leur activité, la seule obligation de réduire leur capital d’un montant au moins égal à celui des pertes n’ayant pu être imputées sur les réserves, à la condition que dans ce délai, les capitaux propres n’aient pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social, et ce au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes était intervenue. 

Autrement dit, les sociétés avaient tout le loisir de procéder de la manière qu’ils souhaitaient (réduction de capital, augmentation de capital, coup d’accordéon,…) jusqu’à la clôture du deuxième exercice, date à laquelle ils étaient tenus de procéder à une réduction de capital social si la situation n’avait pas été régularisée, c’est à dire si le montant des capitaux propres demeurait inférieur à la moitié du capital social. 

Il est à noter cependant que le montant de la réduction obligatoire à l’échéance (au moins égal à celui des pertes n’ayant pas pu être imputées sur les réserves) était plus important que celui qui pouvait être effectué durant la période des deux exercices (montant permettant aux capitaux propres d’atteindre au moins la moitié du capital social). 

L’option désormais offerte aux sociétés à l’échéance, de reconstituer leurs capitaux propres à une valeur au moins égale à la moitié du capital social ou de réduire leur capital jusqu’à ce que les capitaux propres atteignent la moitié de son montant, n’impose plus aux sociétés d’apurer la totalité des pertes

Exemple : situation de pertes rendant les capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social 

Capital social 4000 € 
Pertes -3000 €
Capitaux propres 1000 € 

Ancien régime

A l’échéance, si la situation n’a pas été régularisée : (au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue).

Il est obligatoire de réduire le capital du montant des pertes n’ayant pu être imputé sur les réserves, soit 3000 €. 

Capital social 1000 €
Pertes 0 €
Capitaux propres 1000 €

Nouveau régime

A l’échéance, si la situation n’a pas été régularisée (au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue) 

Option 1 – Reconstituer les capitaux propres (à une valeur au moins égale à la moitié du capital social) 

Une augmentation de capital (ou un bénéfice) de 3000€ permet de ramener les capitaux propres à la moitié du capital social. 

Capital social 6000 €
Pertes – 3000 €
Capitaux propres 3000 € 

Option 2 – Réduire le capital social (jusqu’à ce que les capitaux propres atteignent la moitié du capital social) 

Il est obligatoire de réduire le capital de 2000€, jusqu’à ce que les capitaux propres atteignent la moitié de son montant.

Capital social 2000 €
Pertes – 1000 €
Capitaux propres1000 €

On peut néanmoins regretter que la formulation de cette obligation (dont le contenu change et devient alternatif), conserve une échéance qui n’est pas une date fixe mais une période avec une date limite (« la société est tenue, au plus tard…« ). 

La société est-elle réellement tenue de remplir son obligation pendant la période ou seulement à son terme ? Elle peut bien entendu régulariser sa situation avant le terme mais pourrait-on l’y contraindre ? A priori non.

A lire : La déduction forfaitaire spécifique en 2023, une opportunité ou une contrainte

Délai supplémentaire et régularisation adaptée (pour les sociétés dépassant certains seuils)  

Cette nouvelle mesure ne s’appliquera qu’aux sociétés dépassant certains seuils qui seront déterminés par un décret en Conseil d’État. 

Ni l’étude d’impact, ni l’avis du Conseil d’État, ni les débats parlementaires ne permettent de se faire une idée du montant de ces seuils ; il semble néanmoins que les seuils seront des seuils de capital social et qu’ils seront déterminés en fonction du total de bilan des sociétés

Les sociétés concernées bénéficieront alors d’un délai supplémentaire de 2 exercices (soit 4 exercices en tout) pour régulariser leur situation et cette régularisation décalée pourra se limiter à une réduction de capital social portant ce dernier à une valeur inférieure ou égale au seuil applicable (et pas nécessairement à un montant permettant aux capitaux propres de représenter plus de la moitié du capital social). 

On peut se demander pourquoi le Gouvernement a souhaité réservé ces assouplissements, qui sont justifiés par une volonté d’aligner le droit national sur le droit des autres états membres de l’UE et d’éviter aux entreprises françaises de courir un trop grand risque de dissolution, à certaines sociétés (car on le rappelle, même si les modalités de régularisation ont changé, la sanction demeure identique : tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société qui n’a pas respecté la procédure). 

On espère que les TPE et PME, qui ont subi plusieurs crises coup sur coup, ne seront pas exclues par décret de cette nouvelle protection.  

Cette évolution législative est l’occasion de rappeler que la liberté offerte aux créateurs de SAS et de SARL de fixer le montant du capital social sans minimum peut s’avérer être un écueil lorsque le résultat des premiers exercices fait basculer la société dans cette situation de pertes rendant les capitaux propres à la moitié du capital social. 

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A propos de L’auteur

Till Jouaux

Référent juridique national

Till est Responsable National Juridique au sein du groupe In Extenso. Il a pour mission d’animer le métier juridique auquel participent près de 200 collaborateurs dans toute la France

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