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Loi de finances pour 2024 : ce qui change (ou pas) pour les TPE / PME
Date de publication : 26.01.24
La loi de finances pour 2024 est entrée en vigueur à l’issue du même parcours parlementaire que celui de l’année passée, le Gouvernement ayant eu recours à l’article 49,3 de la Constitution à chaque passage du texte devant les députés.
Son ambition : « Maîtriser la dépense pour investir dans l’avenir ».
Tour d’horizon de cinq sujets choisis qui changent (ou ne changent pas) pour les TPE/PME.
Du nouveau pour la réduction IR/PME
On avait pris l’habitude de scruter la loi de finances, année après année, pour vérifier que le taux bonifié de réduction d’impôt sur le revenu pour souscription au capital en numéraire de TPE/PME était bien prorogé (du taux « normal » de 18% à celui de 25%). Et en début d’année, nous attendions avec impatience le décret qui rendait effectif ce taux bonifié.
Eh bien c’est terminé, pour la plupart des entreprises qui pouvaient en bénéficier jusqu’à présent.
La réduction d’impôt « Madelin » est certes maintenue pour toutes les sociétés qui étaient éligibles, au taux de 18%, mais seules les entreprises disposant de l’agrément ESUS (« Entreprise solidaire d’utilité sociale ») et les foncières solidaires pourront bénéficier d’un taux bonifié de 25% en 2024. Quand le décret sortira…
A noter : des taux « super-bonifiés » sont mis en place pour les Jeunes Entreprises Innovantes (JEI, JEU, JEC) : 30 % de réduction d’impôt et même 50 % pour celles dont les dépenses de recherche et développement sont supérieures à 30% de leurs charges.
Le groupe TVA : oui… mais non
Depuis le 1er janvier 2023, les sociétés membres d’un groupe peuvent opter pour leur assujettissement unique en matière de TVA, c’est-à-dire qu’elles peuvent former un « groupe TVA », qui leur permet notamment de neutraliser les flux intragroupes et de simplifier leurs formalités déclaratives.
Le principal inconvénient de l’option pour ce groupe TVA, pour de nombreuses entreprises, est d’augmenter le montant de taxe sur les salaires dû par le groupe, ce qui limite en pratique le recours à l‘assujettissement unique.
Pour y remédier, le Gouvernement a prévu, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, un article exonérant l’employeur membre d’un groupe TVA de la taxe sur les salaires sous certaines conditions. Et cet article a passé l’épreuve du Parlement puisqu’il figure dans la Petite loi, le texte adopté définitivement.
Mais… le Conseil constitutionnel, considérant comme pour d’autres articles que cette disposition ne relevait pas d’une loi de financement de la sécurité sociale, l’a censurée.
Rien ne change donc, pour l’instant, s’agissant des groupes TVA.
La position de l’administration sur les activités éligibles ou non au pacte Dutreil est légalisée
L’article 787 B du CGI, prévoyant le mécanisme d’exonération partielle de droits de mutation des titres de sociétés, connu sous le nom de pacte Dutreil, a été modifié plus d’une douzaine de fois en 20 ans.
Cette année n’échappe pas à la tendance puisque le législateur est venu modifier trois points particulièrement débattus, dont un ayant fait l’objet cette année de deux décisions, de la Cour de cassation d’une part et du Conseil d’État d’autre part (Cass.com. n° 22-15.152 et CE n°473972).
Dans ces deux arrêts, les juges avaient désavoué la doctrine administrative en considérant que l’exercice par une société d’une activité de gestion de son propre patrimoine, mobilier ou immobilier, était de nature commerciale et donc éligible au mécanisme du pacte Dutreil.
Réaction immédiate du Gouvernement : l’exercice par une société d’une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ne doit pas être considéré comme une activité éligible au pacte Dutreil, et c’est désormais la loi qui le prévoit.
Les deux autres modifications du texte sont plutôt en faveur du contribuable : il est désormais explicitement admis qu’une entreprise puisse faire l’objet d’un pacte Dutreil quand bien même toutes ses activités ne seraient pas éligibles, dès lors que son activité principale l’est ; et la définition de la holding animatrice est enfin inscrite dans la loi, ce qui assurera davantage de sécurité juridique pour ces transmissions à la complexité accrue.
L’unification des assiettes de cotisations et de contributions sociales des indépendants
Ce sujet technique est une réforme d’ampleur qui concerne les cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants.
Actuellement, les cotisations et les contributions sociales de ces travailleurs indépendants sont calculées sur deux assiettes différentes :
- Les cotisations sociales sont calculées sur une assiette « nette », qui correspond aux revenus professionnels retenus pour le calcul de l’impôt sur le revenu : revenu net + CSG non déductible et CRDS.
- les contributions sociales (CSG et CRDS), sont quant à elles calculées sur une assiette « super brute », qui correspond à l’assiette « nette » augmentée des cotisations sociales.
La conséquence est que pour un même niveau de prélèvements, ces travailleurs indépendants versent plus de CDG-CRDS que les salariés et moins de cotisations sociales, créatrices de droits.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 vient unifier ces assiettes pour ne retenir plus qu’une assiette « brute », sur laquelle s’appliquera en plus un abattement de 26%.
Un décret et une ordonnance sont attendus pour préciser les détails et modalités de ce changement d’ampleur, qui entrera en vigueur en 2025 pour les indépendants non-agricoles et en 2026 pour les indépendants agricoles.
2024, tout change (ou presque) pour les SEL
Réforme juridique de l’exercice en société des professions libérales, changement de traitement fiscal des rémunérations techniques perçues par les associés de SEL, appel de cotisations sociales sur des dividendes non perçus directement… 2023 a été riche en rebondissements pour les professionnels libéraux et leurs conseils. Et la loi de finances n’y est pour rien !
En 2024 il faudra prendre en compte tous ces changements : l’ordonnance n°2023-77 entrera en vigueur en septembre, les revenus perçus cette année par les associés de SEL devront être déclarés en BNC et les dividendes versés à des SPFPL devront faire l’objet d’une analyse poussée s’agissant des cotisations sociales.
La réécriture de l’article L131-6 du CSS, qui renvoie désormais au nouvel article L136-3 du CSS, par la loi de financement de la sécurité sociale changera-t-elle quelque chose à ce dernier point ?
Rien n’est moins sûr car on évoque toujours la part des dividendes « perçus » par le(s) travailleur(s) indépendant(s). Mais le changement d’article pourrait permettre à la Cour de cassation de réexaminer sa lecture d’octobre 2023.
A propos de L'auteur
Till Jouaux
Référent juridique national
Till est Responsable Juridique National au sein du groupe In Extenso. Il a pour mission d’animer le métier juridique auquel participent près de 400 collaborateurs dans toute la France. Depuis 2022 il co-anime le groupe de travail fiscalité internationale d’ETL Global, un réseau de professionnels spécialisés dans la comptabilité, le droit et la fiscalité présent dans plus de 50 pays.
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