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Les pertes d’exploitation liées au Covid-19 : le point sur les garanties d’assurance
Date de publication : 02.04.20
Depuis le début de la crise du coronavirus et plus précisément du confinement imposé par l’Etat, les assureurs sont pointés du doigt et sommés d’aider les entreprises. En effet, les garanties pertes d’exploitation contenues dans les contrats d’assurance de dommages ne s’appliquent que pour autant qu’elles soient consécutives à un événement dénommé, c’est-à-dire un dommage matériel à l’origine de la baisse d’activité. Or, tel n’est pas le cas de l’épidémie de Covid-19 qui a amené le gouvernement à décider d’un confinement généralisé pour une durée inconnue.
Les pertes d’exploitation sans dommage : une garantie rare dans les contrats multirisques professionnels
Les entreprises pensent généralement être couvertes par les garanties « pertes d’exploitation » qui sont incluses dans les contrats d’assurance « multirisques professionnels » ou autres contrats de dommages spécifiques à leur activité.
Or, ces « pertes d’exploitation » sont pour la plupart conditionnées à la réalisation préalable d’un dommage matériel, qu’elles soient consécutives ou non audit dommage matériel. On parle de dommages immatériels consécutifs (DIC) et de dommages immatériels non consécutifs (DINC).
S’agissant précisément des conséquences pécuniaires résultant du confinement imposé par la pandémie de Covid-19, aucun dommage matériel n’entraîne la perte d’exploitation (pertes de clients, de chiffre d’affaires…), ce qui rend la garantie inapplicable.
Seules de rares garanties spécifiques « pertes d’exploitation sans dommage matériel » couvrent ce type de risque,environ 30% des contrats souscrits au global et ce, majoritairement pour des grands risques. Qui plus est, ces garanties spécifiques contiennent dans la majorité des cas, des clauses d’exclusions en cas « d’épidémie » ou en de « pandémie ».
Une baisse d’activité liée à une rupture de la chaîne d’approvisionnement peut quant à elle être couverte si l’entreprise dispose d’une garantie « Carence de fournisseur » au titre de son contrat Dommages.
Il est donc primordial d’analyser les définitions retenues dans le tableau des garanties de vos contrats d’assurance ainsi que les clauses d’exclusions citées, même si ces dernières ne remplissent pas, aux yeux des professionnels du droit des assurances, les critères légaux exigés pour être valides ! (Une clause d’exclusion doit être formelle et limitée, les termes épidémie et pandémie ne sont pas clairement définis…)
A lire : Adaptation du cadre législatif en matière contractuelle face au COVID-19
Le cas particulier des risques systémiques tels que la pandémie
Le système assurantiel repose sur la mutualisation du risque : tous les assurés paient les primes d’assurances mais seules les victimes bénéficient d’une prise en charge. Dans le cas particulier de la pandémie du Covid-19, si les garanties de pertes d’exploitation devaient être acquises, le système assurantiel entier serait mis à mal car toute la population se trouve aujourd’hui sinistrée.
Les assureurs eux-mêmes sont touchés de plein fouet. Ils s’efforcent pour l’heure d’évaluer le coût et d’estimer les conséquences financières de la crise que nous vivons.
Enjoints malgré tout par Bruno Le Maire de participer à l’effort de solidarité nationale, ils se sont engagés à verser 200 M€ au Fonds de Solidarité gouvernementale mis en place par l’Etat destiné aux indépendants, aux TNS et aux TPE. Cela ne signifie pas pour autant que ce fonds couvrira d’une manière ou d’une autre les pertes d’exploitation.
Vers la mise en place d’un régime de « catastrophe sanitaire »
Malgré cet effort financier, les parlementaires attendent un engagement plus fort du secteur de l’assurance. Notamment, des voix s’élèvent pour réclamer la création d’un régime similaire aux CAT NAT. Des députés ont en effet déposé une proposition de loi portant reconnaissance d’un « état de catastrophe sanitaire » calqué sur le régime des catastrophes naturelles, permettant ainsi d’intervenir au titre de la perte d’exploitation sans dommages.
Si ce sujet se présente comme une priorité d’après-crise, sa mise en œuvre est aujourd’hui impossible. D’une part, l’état de catastrophe sanitaire n’existe pas juridiquement et d’autre part, la loi n’est pas rétroactive. Enfin, sur un plan assurantiel, on ne peut pas indemniser des sinistres pour lesquels aucune prime n’a été versée.
En parallèle, le régime CAT NAT qui a prouvé toute son efficacité (garantie illimitée par l’Etat en excès d’un système assurantiel classique complété d’une réassurance publique) est en cours de réforme. La fréquence et l’intensité des sinistres de ces dernières années montrent en effet qu’il est devenu insuffisant compte tenu du réchauffement climatique. Cette réforme est l’occasion idéale de prendre en considération d’autres risques systémiques tels que la pandémie et également le cyber.
Gageons également que, sous la pression des professionnels ou sur injonction de l’Etat, des solutions d’assurance mutualisées verront le jour prochainement pour pallier les carences actuelles. Affaire à suivre…
A propos de L'auteur
Nathalie Guidoni
Risk Manager
Risk Manager chez In Extenso, Nathalie intervient sur les aspects assurances groupe, gestion des sinistres, cartographies des risques, gestion de crise et confidentialité.
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